Par son parcours personnel et ses choix politiques, Aristide Briand incarne cette période de grandes mutations que fut la IIIe République. Issu d'un milieu très modeste, il devient avocat, découvre l'engagement militant en défendant ses premières causes. Elu député en 1902, il ne tarde pas à se propulser au sommet grâce à ses dons d'orateur et à ses talents de négociateur. Pendant trente ans, tantôt ministre, tantôt président du Conseil, il joue les premiers rôles, en France d'abord, puis sur la scène internationale.
En 1905, il est l'artisan de la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat. Il défend la laïcité, mais prend ses distances avec les anticléricaux les plus sectaires et apaise les querelles religieuses qui divisent les Français. Pendant la Première Guerre mondiale, il tient la barre du pays durant un an et demi, il est au pouvoir au moment décisif de Verdun. Mais, hanté par ce carnage, il s'efforce dans les années vingt d'en prévenir le retour.
Sa carrière prend une autre dimension, l'habile politicien devient le « pèlerin de la paix ». Il est l'homme de la réconciliation franco-allemande, du premier projet d'intégration européenne. Son action lui vaut le prix Nobel de la paix en 1926.
Sur le moment, cette grande espérance est déçue. Briand meurt en 1932, à la veille de l'arrivée au pouvoir d'Adolf Hitler. Pourtant, le second après-guerre verra la France s'engager plus résolument dans la voie qu'il avait tracée.
Homme célèbre mais mal connu, au charme envoûtant, au caractère complexe, à la vie privée tumultueuse, adulé par les uns, haï par les autres, ce précurseur de l'Europe unie a fait entendre sa voix dans un continent pris de folie guerrière et a réussi, sans toujours s'en douter, à prendre date avec l'Histoire.
Bernard Oudin est historien. Il a publié notamment Villa, Zapata et le Mexique en feu ; et, chez Perrin, Histoires de Berlin (avec Michèle Georges) en 2000 et Histoires de Londres en 2003.