Patricia Gavoille commence son roman par la fin de Jeanne au mouroir dans lequel elle fait face à un cancer, soulignant la lucidité de ce personnage principal. Pas d'hommage, pas de compassion, l'auteur ne fera « rien » pour Jeanne ni pour les autres comme s'ils devaient se débrouiller seuls, se battre chacun sans espoir de médailles ni d'honneur.
C'est toute la beauté de ce texte, de ces lignes que Patricia esquisse simplement, tracé qu'elle ne saurait imposer ni à Jeanne, ni à son entourage, mari, fils, soignants. Libre cours à la force et à la faiblesse qui se rejoignent sur cette route, pour eux souvent inconnue et hostile. Tous avancent maladroits, presque méfiants comme des enfants le premier jour de l'école. Là, Jeanne apprend à mourir comme peut-être elle avait appris à vivre et l'entourage apprend à « être ». Pas de place pour les « a-t-on été ? », « qu'a-t-on vécu ? ».
Patricia met l'art d'écrire au service des âmes.
Les personnages ne sont pas des héros... Encore que... Chacun d'entre eux appelle, réclame si fort qu'il apprivoise « le sourire aux larmes » grâce au talent unique de leur auteur qui s'est comme acharnée à les perdre, les semer.
Un ouvrage tragique d'une rare beauté. Un roman d'émotions... d'une force rare.
« Il m'a semblé qu'on dit le même genre de sottise aux petits-enfants qu'on amène pour la première fois à l'école maternelle, leur paire de chaussons sous le bras ; la maîtresse se colle un sourire en travers de la figure et dit :
- Tu peux les poser là, en dessous de ton portemanteau.
Et le petit, le coeur étreint, hésite à se défaire de ses précieux chaussons pour les poser « là ». Parce que « là », ce n'est pas un lieu, c'est nulle part. Nulle part ! »