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A l'heure où le débat politique fait de nouveau référence, avec insistance, mais aussi avec confusion, à la liberté du peuple souverain, il redevient indispensable de se demander ce qui fait précisément qu'un peuple peut se penser comme libre.
La liberté d'un peuple se mesure-t-elle à la façon dont les droits des individus qui le composent se trouvent protégés ? Ou bien devons-nous considérer qu'un peuple libre est aussi, voire surtout, un peuple dont les vertus civiques sont suffisantes pour soutenir la participation des citoyens à la vie publique ?
Deux modèles hantent ainsi notre imaginaire démocratique : celui du libéralisme politique, celui du républicanisme. Sont-ils incompatibles ? Peuvent-ils s'articuler, et à quelles conditions, l'un à l'autre ?
Cet essai à la fois historique et critique entreprend de reconstruire la logique interne de ce dédoublement qui, dans les actuelles divisions de notre vie politique, joue un rôle de plus en plus déterminant, au point de subvertir les anciens clivages entre gauche et droite, ou entre progressisme et conservatisme. -
Qu'est-ce qu'une politique juste ?
Alain Renaut
- Grasset
- essai français
- 13 Octobre 2004
- 9782246654995
Cet essai renoue avec la grande tradition de la philosophie politique « pratique » telle que le philosophe John Rawls l'a conceptualisée. Un va-et-vient permanent entre la théorie et l'action, entre les « représentations du monde » et l'actualité, donne à cet ouvrage sa singularité - et sa formidable utilité.
Les repères du débat politique sont aujourd'hui pour le moins brouillés. L'explosion du bloc de l'Est avait déjà fragilisé, depuis une quinzaine d'années, une gauche longtemps dominée par des schémas de pensée issus du marxisme. Ni les septennats de François Mitterrand, où les illusions ont vite cédé le pas au pragmatisme, ni les chances qu'offrit en 1997 une reconquête du pouvoir vite obérée par l'échéance présidentielle, n'ont donné lieu à un aggiornamento d'ampleur. Le séisme politique de 2002 acheva de jeter notre univers politique dans une situation d'extrême désarroi. Les échecs successifs de la droite, sur les quelques dossiers qu'elle tenta d'ouvrir depuis son retour au pouvoir, n'ont rien arrangé à cet état de confusion. Depuis le rassemblement républicain d'avril 2002 contre le Front National, le débat politique, inaudible à gauche comme à droite, a atteint ainsi son degré zéro. Seule la répétition d'alternances rapides paraît désormais pouvoir maintenir politiquement l'apparence d'une dynamique.
Parce que la vie de la cité requiert des choix qui engagent une représentation de l'avenir, cet essai exprime une conviction : plus rien aujourd'hui, sur les principes ultimes auxquels nous nous référons, ne distingue suffisamment gauche et droite. Plus de justice sociale dans le respect des mêmes libertés fondamentales : qui n'adhérera à un tel programme ? Un véritable débat sur ce qui serait politiquement juste requiert avant tout, à gauche comme à droite, la capacité de faire valoir des choix. Et pour dégager les conditions d'une « politique juste », l'auteur s'emploie ici à montrer que nous pouvons mieux faire resurgir la force des principes en nous demandant, non plus seulement de quelle manière les fonder en raison, mais comment il peut se faire qu'à partir des mêmes principes, viennent à se creuser, dans la politique telle qu'elle se fait, des désaccords dans leur application. Au-delà d'une perception plus claire des principes de justice, la voie d'une politique juste requiert la capacité à mieux discerner, quand il s'agit d'appliquer ces principes, quelle est la logique des possibles. Ce qu'Alain Renaut tente de faire ici à partir de dossiers particulièrement délicats où s'est embourbée en France l'action politique la plus récente : celui de l'enseignement des langues régionales, celui de l'autonomie des universités.