Cette nouvelle édition des Chasseurs-cueilleurs ou L'origine des inégalités, publiée par l'anthropologue Alain Testart (1945-2013) en 1982, est un des ouvrages classiques qui illustrent les conditions d'émergence des inégalités entre les hommes.
Longtemps il a été admis que l'invention de l'agriculture représentait un tournant dans l'histoire de l'humanité et que les sociétés agraires étaient au fondement du développement des inégalités. Or certains peuples de chasseurs-cueilleurs ne pratiquant ni agriculture ni domestication ont pu édifier des sociétés stratifiées.
À l'issue d'une ample documentation ethnologique et archéologique qui le mène de la Sibérie jusqu'au Proche-Orient, de l'ouest de l'Amérique du Nord jusqu'au Japon en passant par la Nouvelle-Guinée, Alain Testart bat en brèche le rôle attribué à l'agriculture dans l'histoire et met en lumière le statut déterminant du stockage des ressources et de la sédentarité dans la formation des
inégalités.
Dans cet ouvrage posthume, Alain Testart s'attache à poser les bases d'une sociologie générale permettant de classer les sociétés les plus diverses et de penser leur évolution au-delà des champs disciplinaires établis (ethnologie, histoire, sociologie).
C'est par la relecture de Tocqueville, Marx et Durkheim, qui n'avaient pas hésité à chercher la cohérence interne des sociétés et à en dégager en quelque sorte des types sociaux, qu'il commence par préciser sa méthodologie. Celle-ci consiste à définir l'" architectonique d'une société ", c'est-à-dire les " rapports sociaux fondamentaux " conditionnant les autres rapports et permettant d'expliquer les domaines du politique, de l'économie et du religieux.
Pour montrer que ces " rapports sociaux fondamentaux " relèvent d'une forme de dépendance ou au contraire d'indépendance, l'auteur étudie trois types de société : les Aborigènes d'Australie, la société féodale et la société moderne. Il élargit ensuite son examen tant aux civilisations classiques qu'aux sociétés sans État, et souligne par exemple combien la liberté des " modernes " n'est pas celle des Grecs, ni celle des Amérindiens.
Alain Testart conclut cette fresque monumentale par une " systématique " des formes de dépendance et des types de société, et propose deux lois sociologiques.
Texte établi par Valérie Lécrivain et Marc Joly
L'institution de l'esclavage est une reprise complétée et actualisée d'un ouvrage qu'Alain Testart, décédé en 2013, avait publié sous le titre L'esclave, la dette et le pouvoir, en 2001, aux Éditions Errance.
La définition de l'esclave a toujours été incertaine et le statut de ce que l'on met sous ce nom a beaucoup changé selon les temps et les lieux. Mais il reste toujours un exclu : exclu de la cité dans les sociétés antiques, exclu de la parenté dans les sociétés lignagères, exclu en tant que sujet dans les sociétés monarchiques. C'est l'exclusion d'une des relations sociales tenues pour fondamentales par la société qui distingue l'esclave des autres formes de dépendance et d'asservissement.
Sous l'esclavage, gît donc la question du pouvoir. Il y a, pour l'auteur, un lien direct entre l'esclavage et l'émergence de l'État, qui s'arroge le monopole des esclaves, vis à-vis des pouvoirs concurrents, de tout ordre, économique ou non. D'où la constatation, bien documentée, que c'est dans les sociétés les moins centralisées et les moins hiérarchisées, en principe les moins oppressives, que se rencontre la pire condition de l'esclave. Et l'inverse : c'est dans les sociétés les plus autoritaires et despotiques que la condition de l'esclave semble la moins défavorable.
Alain Testart est un des rares anthropologues qui disposent d'une culture aussi étendue, largement comparative. Cette nouvelle édition, établie par sa collaboratrice, Valérie Lécrivain, ajoute à l'ancienne un article inédit qui permet de préciser les thèses de l'auteur. Elle fait de ce livre d'il y a plus de quinze ans un livre neuf, plus adapté aux connaissances et aux sensibilités contemporaines
le mystère des armes jetées dans les eaux reste un mystère de l'archéologie. De quel rite est-il la manifestation ? Réflexions archéologiques et ethnologiques sur un phénomène qu'on retrouve jusque dans la légende du Roi Arthur.
Dans toutes les sociétés de chasseurs-cueilleurs, il y a partage du gibier. Mais c'est seulement en Australie que ce partage obéit à une loi telle que le gibier y est systématiquement approprié par un autre que le chasseur. A travers le jeu de la réciprocité, cette non-appropriation par le producteur immédiat se résout en une appropriation par l'ensemble de la communauté. D'où l'idée d'un communisme primitif, entendu dans un sens tout différent de celui que lui a conféré la tradition marxiste ou anthropologique. Ce livre se propose d'exposer toutes les implications théoriques d'une telle idée en réexaminant en particulier certaines questions classiques de l'anthropologie sociale comme l'exogamie, la parenté et le totémisme. Pour mener à bien cet examen, il a été nécessaire de reconstruire le concept de mode de production et de préciser l'idée d'une articulation complexe entre structure économique et idéologie.