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C. Jeanney
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Elle regarde le film de Charles Laugthon, La nuit du chasseur, avec dans une main un livre de Marguerite Duras, dans l'autre un souvenir de Raimu, dans l'autre l'araignée de Louise Bourgeois. Cela fait trois mains et non deux, c'est donc impossible. Ou alors c'est qu'elle jongle ? C'est qu'elle jongle.
Or ce film, recomposé par ses soins pour en révéler le spectre, c'est un multivers en soi. Un multivers pour elle. Tout part et tout revient à cette scène féministe emblématique : le personnage de Rachel Cooper, armé d'un fusil, reprenant le refrain de la chanson du chasseur, leaning, leaning, qui résonne à nos oreilles depuis plus de soixante ans. Ce moment, cette nuit, cette chanson, non seulement nous parlent mais parlent de nous. Et posent question. Lorsqu'ils chantent à l'unisson, le tueur et la protectrice, qu'est-ce que ça dit ? -
La langue de la girafe est une écologie poétique du langage, un art du moindre. Dans ce texte dont la trame se structure telle une tapisserie, l'image appartient à l'errance, elle dérive le long des mythes, interroge l'acte même du faire.
« Le monde est rempli de textes, plus ou moins intéressants ; je n'ai aucune envie de lui en ajouter un de plus. » Cet ouvrage de C. Jeanney prend au mot l'affirmation de Kenneth Goldsmith et fait oeuvre de patchwork.
C. Jeanney y a récolté les voix qui oscillaient autour d'elles, le verbe du quotidien, des paroles radiophoniques aux mots éphémères du passant, et les a assemblées en un collage de la langue.
La façon dont ces mots s'assemblent imite l'appareil photographique qui collectionne le fugace. Elle provoque l'émergence d'une sorte d'infra-sens, d'une texture narrative qui laisse surgir des messages souterrains à la langue.
Les mots sont déjà présents dans le réel, foisonnants et bariolés, le plus souvent ignorés, ils flottent insensément, et La langue de la girafe tâche de voltiger dans leur collecte protectrice. La langue s'exprime pleinement par elle-même. Elle ne souhaite pas sa réinvention, mais invite à l'infini de sa recomposition. -
Dérouler le fil de Marguerite Audoux
Marguerite Audoux, C Jeanney
- Publie.net
- 27 Octobre 2021
- 9782371772649
Pendant l'été, elles allaient jusqu'à Robinson, mais c'était loin, et le train qui devait les ramener ne leur laissait qu'une heure de répit. Aussi elles ne perdaient pas une minute, elles couraient d'une traite de la gare à la salle de bal. Et là, sans s'occuper des garçons en quête de danseuses, elles s'enlaçaient et dansaient avec l'angoisse constante de manquer le train du retour.
Orpheline pauvre, bergère en Sologne, couturière à Paris, rien ne prédispose Marguerite Audoux à écrire. « Vous êtes le plus grand écrivain féminin d'aujourd'hui » estime une figure très respectée, critique d'art, auteur et journaliste, dans une lettre qu'il lui adresse.
Elle est une sorte d'anicroche, une anomalie. Aujourd'hui encore, on la range facilement du côté des écrivains régionalistes - on ne dit pourtant pas du Grand Meaulnes d'Alain-Fournier, qu'elle a pratiquement inspiré et qui se situe dans le Cher, que c'est un roman régional.
Elle obtient contre toute attente le Prix Fémina Vie Heureuse en 1910.
Tirons sur le fil et déroulons-le : à partir de cette consécration qui lui accorda un peu de célébrité, remontons vers son enfance et son adolescence, puis suivons-la à Paris dans son atelier de couture, avant qu'elle n'entre en écriture, ceci jusqu'à la fin de sa vie.