Le Quartanier réédite Corps étranger, de Catherine Lalonde, qui a remporté en 2008 le prix Émile-Nelligan. Cette oeuvre confronte désir et sauvagerie, lyrisme et prosaïsme, s'adressant à ce qui excède, à l'autre, à ce qui fait mal, la parole s'incarnant au coeur de la rencontre sexuelle. Impossible de ne pas mesurer, plus de dix ans après la parution du livre aux éditions Québec Amérique, toute la puissance de cette langue, inventive et riche d'une tradition poétique québécoise reprise à son compte et au plus près du corps. La poète se donne par nécessité cette langue propre, c'est-à-dire sale, poétique, vulgaire, sublime, la langue de la mauvaise fille mauvaise héritière, dont le corps, la douleur, la jouissance, la mémoire et tant de noms de femme ont un impérieux besoin - pas moins aujourd'hui qu'hier.
Tu prends mes côtes tu les sépares tu manges
mon coeur à mains nues
de vieilles bouchées de légende
salmonellose mon sacrament et tes menteries d'aorte
je regarde ailleurs et tu arraches mes seins
deux pendentifs made in Taïwan
un pour toi un pour moi
souvenirs en forme d'âme cheap
de fleur de lys Dollarama.
Tu cherches dans l'affreux le petit-lait du monde
la mamelle des rêves son jus noir
tu bouffes de la terre comme une bête angoissée
tu devances la tourbe qui t'ensevelira
et pousse tout un royaume au fin fond de ta gorge
tu presses entre tes crocs les pierres
le sédiment d'histoire le mica des colères
plus tard les pissenlits les faux foins
te pousseront dans les yeux
les restes dans ta bouche rance aux lendemains
de veille
un marc de folies où tu lis les venirs
Entre le conte de fées enragé et la reprise hallucinée des récits d'apprentissage, entre la forêt de Sainte-Amère-de-Laurentie et la grande ville électrique, La dévoration des fées raconte le sort de la p'tite, de Grand-maman et de Blanche absente. Mais le récit est ravalé par le chant, le mythe, la fantasmagorie, et une poésie féroce et primordiale hante la narration. OEuvre baroque et mal embouchée, La dévoration des fées est traversé de sortilèges crachés ou lyriques, dans une scansion affamée, bourrée jusqu'aux yeux de désir.
Comment confier à sa meilleure amie qu'on ne sait pas embrasser ?
Dirigé par Emilie Jobin, le dossier de ce numéro est consacré aux nouveaux territoires féministes. Alors que s'opère une authentique résurgence de la pratique féministe en théâtre et en danse, nous donnons la parole à de jeunes créatrices et créateurs du Québec dont le féminisme se conjugue au présent. Mentionnons Elkahna Talbi (alias Queen Ka), Annick Lefebvre, Anne-Marie Olivier, Philippe Dumaine, Marie-Ève Milot, Marie-Pier Labrecque et Dana Gingras. Hors dossier, il est entre autres question de Dominic Champagne, Angela Konrad, Annabel Soutar et Yves Sauvageau.
Quel avenir pour le droit d'auteur et les sociétés de gestion qui le protège? Lettres québécoises fait le point sur les défis importants qu'attendent les Copibec de ce monde face à aux modifications des lois et des politiques en cours au Canada et ailleurs. En couverture de ce numéro, l'écrivaine Marie-Hélène Poitras, journaliste et recherchiste de profession, se prête au jeu de l'autoportrait et se livre dans une entrevue menée par Catherine Lalonde. Ailleurs dans la revue, la chronique d'Éric Dupont salue le talent de Sarah Rocheville, auteure de Go West Gloria, et Sébastien Lavoie s'entretient avec Antoine Tanguay, président des éditions Alto qui soulignent leurs dix ans cette année.
Dirigé par Laurent Vernet, le dossier du numéro 105 d'Espace envisage le fameux ouvrage de Guy Debord, La société du spectacle, en l'appliquant au champs des arts visuels. À quels signes peut-on reconnaître que le système capitaliste a transformé le monde de l'art pour en faire une industrie du spectacle comme les autres? Les collaboratrices Josianne Poirier, Julie Boivin et Catherine Lalonde abordent divers points de vue sur la question, notamment à travers l'analyse de la sculpture lumineuse Intersection articulée (Raphael Lozano-Hemmer), présentée en 2011 lors de la Triennale québécoise, et une entrevue avec le galeriste René Blouin. Afin de souligner les 25 ans du centre d'exposition CIRCA, Espace ouvre ses pages à cette institution passionnée pour la « sculpture au champ élargi » et présente quelques expositions marquantes de son histoire.
Alors que le féminisme, dans la foulée du printemps québécois, reprend du poil de la bête et dévoile toute sa diversité et la multiplicité de ses stratégies, au moment où une jeune génération réinvestit, en guise d'antidote à la morosité littéraire, plusieurs figures de la contre-culture des années soixante-dix, il nous a semblé nécessaire de relire l'oeuvre de Josée Yvon.
La section du Rétroviseur étudie des oeuvres québécoises connues et moins connues du passé afin d'en mesurer la pertinence et l'actualité.