La dernière décennie de Michel Foucault a coïncidé avec l'agonie des espoirs de transformation sociale qui avaient marqué l'après-guerre. Face à cette « fin de la révolution », le philosophe a tenté de réinventer la manière dont nous pensons la politique et la résistance, ce que sa génération n'avait, jugeait-il, pas réussi à faire.
C'est dans cette perspective qu'il s'est intéressé au néolibéralisme en tant qu'outil permettant de repenser les fondements conceptuels de la gauche et d'imaginer une gouvernementalité plus tolérante aux expérimentations sociales, ouvrant un espace aux pratiques minoritaires et à une plus grande autonomie du sujet vis-à-vis de lui-même. Le moyen, en somme, de réaliser le projet énoncé à la fin de sa vie, celui de n'être « pas tellement gouverné ». Et c'est ainsi que, dans sa quête d'une « gouvernementalité de gauche », Foucault a anticipé et contribué, en quelque sorte, au façonnement de la situation politique contemporaine.
Depuis la crise de 2008, l'idée d'une allocation universelle suscite un engouement renouvelé, tant en Europe qu'en Amérique. Le projet trouve des appuis à gauche comme à droite et, de l'avis de bien des spécialistes, il pourrait être le fondement des politiques sociales de l'avenir. Plus d'un penseur critique l'a prôné, Philippe Van Parijs, Toni Negri, José Bové ou André Gorz, mais que signifie vraiment cet étonnant consensus ?
Selon les auteurs de cet essai, l'allocation universelle, sous couvert d'une bienveillante redistribution de la richesse, consacre l'abandon de l'enjeu politique central des cent cinquante dernières années: le conflit entre le capital et le travail. Chacun des textes composant ce livre oeuvre au rappel de l'importance décisive de cette question, pour justifier qu'il faille impérativement être contre l'allocation universelle.