La dernière décennie de Michel Foucault a coïncidé avec l'agonie des espoirs de transformation sociale qui avaient marqué l'après-guerre. Face à cette « fin de la révolution », le philosophe a tenté de réinventer la manière dont nous pensons la politique et la résistance, ce que sa génération n'avait, jugeait-il, pas réussi à faire.
C'est dans cette perspective qu'il s'est intéressé au néolibéralisme en tant qu'outil permettant de repenser les fondements conceptuels de la gauche et d'imaginer une gouvernementalité plus tolérante aux expérimentations sociales, ouvrant un espace aux pratiques minoritaires et à une plus grande autonomie du sujet vis-à-vis de lui-même. Le moyen, en somme, de réaliser le projet énoncé à la fin de sa vie, celui de n'être « pas tellement gouverné ». Et c'est ainsi que, dans sa quête d'une « gouvernementalité de gauche », Foucault a anticipé et contribué, en quelque sorte, au façonnement de la situation politique contemporaine.
Depuis la crise de 2008, l'idée d'une allocation universelle suscite un engouement renouvelé, tant en Europe qu'en Amérique. Le projet trouve des appuis à gauche comme à droite et, de l'avis de bien des spécialistes, il pourrait être le fondement des politiques sociales de l'avenir. Plus d'un penseur critique l'a prôné, Philippe Van Parijs, Toni Negri, José Bové ou André Gorz, mais que signifie vraiment cet étonnant consensus ?
Selon les auteurs de cet essai, l'allocation universelle, sous couvert d'une bienveillante redistribution de la richesse, consacre l'abandon de l'enjeu politique central des cent cinquante dernières années: le conflit entre le capital et le travail. Chacun des textes composant ce livre oeuvre au rappel de l'importance décisive de cette question, pour justifier qu'il faille impérativement être contre l'allocation universelle.
Malgré les discours et les prises de conscience, l'état de la pauvreté ne semble pas avoir diminué en Belgique.
Depuis le début des années 1970, la réduction de la pauvreté est un axe majeur des politiques sociales dans les pays industrialisés. En Belgique, la mobilisation d'acteurs sociaux et politiques a débouché sur la création du minimex en 1974 et la publication du Rapport général sur la pauvreté en 1994. Pourtant, en dépit de l'omniprésence de la question dans les discours et l'action publics, la pauvreté n'aurait pas diminué à en croire les chiffres.
Dans un ouvrage complet et documenté, l'auteur dresse un bilan de l'assistance en Belgique et de l'évolution du concept de pauvreté.
EXTRAIT de l'Introduction
La question de la lutte contre la pauvreté est désormais une préoccupation majeure des politiques publiques, de nombreuses organisations humanitaires ou d'ASBL tant dans les pays en voie de développement que dans les pays industrialisés. Réduire la pauvreté est un des objectifs incontournables des politiques sociales et de développement dans le monde. Il n'est plus un seul pays ou dirigeant qui ne sera jugé, d'une manière ou d'une autre, sur ses résultats en la matière. En ce sens, depuis plus d'une trentaine d'années, la figure du pauvre domine le débat public. Au centre des objectifs européens pour 2020 (2012 était « l'année européenne de lutte contre la pauvreté »), des politiques publiques des différents Etats nationaux, des programmes politiques de l'immense majorité des partis (de droite comme de gauche), au coeur d'innombrables recherches, publications, rapports et analyses, la pauvreté est quasi devenue un « champ » au sens où Pierre Bourdieu pouvait l'entendre. Elle a ses enjeux, ses indicateurs, ses experts, ses budgets et ses institutions ainsi que ses problématiques. Entendue aujourd'hui comme une politique à vocation transversale, elle a, en Belgique, un ministère censé agir sur l'ensemble des dimensions que peut recouvrir une politique sociale (logement, enseignement, enfance, énergie, etc.).
Michel Foucault's death in 1984 coincided with the fading away of the hopes for social transformation that characterized the postwar period. In the decades following his death, neoliberalism has triumphed and attacks on social rights have become increasingly bold. If Foucault was not a direct witness of these years, his work on neoliberalism is nonetheless prescient: the question of liberalism occupies an important place in his last works. Since his death, Foucault's conceptual apparatus has acquired a central, even dominant position for a substantial segment of the world's intellectual left. However, as the contributions to this volume demonstrate, Foucault's attitude towards neoliberalism was at least equivocal. Far from leading an intellectual struggle against free market orthodoxy, Foucault seems in many ways to endorse it. How is one to understand his radical critique of the welfare state, understood as an instrument of biopower? Or his support for the pandering anti-Marxism of the so-called 'new philosophers'? Is it possible that Foucault was seduced by neoliberalism? This question is not merely of biographical interest: it forces us to confront more generally the mutations of the left since May 1968, the disillusionment of the years that followed and the profound transformations in the French intellectual field over the past thirty years. To understand the 1980s and the neoliberal triumph is to explore the most ambiguous corners of the intellectual left through one of its most important figures.