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Littérature
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Je lis les nouvelles et un cabinet d'astrologie téléphone, je raccroche, n'ai jamais été croyant, sans doute un défaut, et puis on a déjà assez d'avenir comme ça. Le cancer nous guette, les abeilles en arrachent et l'univers refroidit, mais les amis font des enfants, les aiguilles tournent et j'écris au feutre sur un calendrier neuf. Je lis les pessimistes, je sors quand même. Je marche dans les rues et les parcs, je pense à l'effet Doppler, à Tracy disparue, à ces machins étranges que sont nos corps, aux semaines qu'ils traversent. Né au printemps je serais solaire, né la nuit je reste à la petite lumière, de toute façon je suis Gémeaux : vents, dualité, tout ça. On a beau voyager, on ne quitte jamais l'empire familier, dont de larges régions demeurent inconnues. On saisit des paroles au vol, l'esprit des insomniaques flotte dans le ciel de Rosemont, qui touche au ciel de Trois-Pistoles, au ciel de Lisbonne, à celui de partout enfin, qui s'offre à chacun.
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Dans ces sept séries de poèmes, qui battent la campagne au milieu de la ville ou du lit défait, François Rioux, laissant cours à cet « esprit des verres chargé de lie » qui hante les bons vers et réchauffe le sang, propose des miniatures narratives fabuleusement prosaïques, dans un style qui passe par où bon lui semble. Scènes d'intérieur aspirées dehors; moments amoureux accélérés; natures mortes pas mortes ou ranimées; histoires où la mémoire décapsulée, les marées et les bêtes, la lumière et les choses disparues viennent en cavale éclair ajouter aux scènes esquissées, avec les chimères et les filles, et toutes les sortes d'amour.
Soleils suspendus se voue ainsi au monde immédiat de l'expérience et de la mémoire vive, à l'imaginaire, et à cette petite langue des puissances triviales et sensuelles - au langage non pas des oiseaux, mais de la poésie, battement des « rares et pauvres lettres ».
Comme chez Eugène Savitzkaya, Patrice Desbiens, Frank O'Hara ou Gérald Godin, ces poèmes disent entre autres que la seule foire d'empoigne qui vaille, ce n'est pas celle opposant anciens et moderne, mais celle qui surgit entre amis ou amants, lecteur et auteur, passé et présent, vie et langage, et qui par l'art de dire vire à la fête secrète, au conciliabule avec le temps et nos doubles.
Avec ce premier livre au ton déjà distinctif, François Rioux contribue à ce grand art simple d'une poésie narrative et lyrique résolument nord-américaine. Poèmes élusifs et flottants, qui chantent bas et déchantent, cantent et ravissent, comme des soleils vissés à la main, parce qu'il faut bien voir ce qu'on éprouve. -
Tu vis à une époque intéressante, quelle malédiction, ça grouille, ça bruit, tu t'étourdis dans le mauvais film, une rose de papier à la boutonnière. Tout le monde veut te souffler sa petite idée, tu as l'écoute un rien complaisante, tu traînes du papier à musique, au cas où; on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a, et tout ce qu'on a c'est le bruit, c'est bien ça? Parle dans la tempête, voir. Une toune dans la tête, si tu la chantes, va-t-elle s'en aller? L'air est plus clair en hiver, alors les sons voyagent mieux, non? Il y aura des questions, tu prendras le métro, faut quand même vivre aussi, tu penses à un sous-marin, le son se diffuse autrement dans l'eau - un jour tu te feras pousser des ailes, tu planeras sur les ondes grises, les ondes bleues.