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Jean Giono
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Le hussard sur le toit : avec son allure de comptine, ce titre intrigue. Pourquoi sur le toit ? Qu'a-t-il fallu pour l'amener là ? Rien moins qu'une épidémie de choléra, qui ravage la Provence vers 1830, et les menées révolutionnaires des carbonari piémontais.
Le Hussard est d'abord un roman d'aventures : Angelo Pardi, jeune colonel de hussards exilé en France, est chargé d'une mission mystérieuse. Il veut retrouver Giuseppe, carbonaro comme lui, qui vit à Manosque. Mais le choléra sévit : les routes sont barrées, les villes barricadées, on met les voyageurs en quarantaine, on soupçonne Angelo d'avoir empoisonné les fontaines ! Seul refuge découvert par hasard, les toits de Manosque ! Entre ciel et terre, il observe les agitations funèbres des humains, contemple la splendeur des paysages et devient ami avec un chat. Une nuit, au cours d'une expédition, il rencontre une étonnante et merveilleuse jeune femme. Tous deux feront route ensemble, connaîtront l'amour et le renoncement. -
Le livre est parti parfaitement au hasard, sans aucun personnage. Le personnage était l'Arbre, le Hêtre. Le départ, brusquement, c'est la découverte d'un crime, d'un cadavre qui se trouva dans les branches de cet arbre. Il y a eu d'abord l'Arbre, puis la victime, nous avons commencé par un être inanimé, suivi d'un cadavre, le cadavre a suscité l'assassin tout simplement, et après, l'assassin a suscité le justicier. C'était le roman du justicier que j'ai écrit. C'était celui-là que je voulais écrire, mais en partant d'un arbre qui n'avait rien à faire dans l'histoire.
Jean Giono. -
Voyage à pied dans la Haute-Drôme : Notes pour Les Grands Chemins
Jean Giono
- Gallimard
- Éditions des Busclats
- 3 Octobre 2024
- 9782073079169
"Ai fait environ 170 km à pied à travers la haute Drôme. Ai écrit au jour le jour les notes de ces étapes." Cette indication du 27 juillet clôturant le Journal de Jean Giono pour l'année 1939 laissait sur leur faim les lecteurs désireux de ne rien ignorer des pérégrinations pédestres de l'homme de Manosque et du Contadour. Mais voilà que, quatre-vingt-cinq ans plus tard, à la faveur d'une heureuse trouvaille dans les archives d'une juridiction d'exception de l'Occupation, le modeste cahier manuscrit de ce "voyage à pied en Haute-Drôme" refait surface... Et il nous offre le témoignage émouvant, spontané et puissant d'un Giono qui ne conçoit le travail romanesque que plongé dans la substance du monde et la géographie humaine, telles que l'appel de la marche y conduit - dans ce "pays étrange", à l'écart des terres familières, laissant deviner "un diabolisme souterrain".
L'écrivain consigne ici ses observations, ses sensations ainsi que ses réflexions sur la création littéraire... qui le mèneront, quelque dix années plus tard, à l'écriture de l'un de ces chefs d'oeuvre, Les Grands Chemins, le grand roman noir de l'amitié. -
Aubignane se meurt. Seuls trois fidèles occupent encore ce village devenu un nid de spectres. L'hiver finit par chasser le vieux forgeron, et la veuve du puisatier disparaît au printemps, avec la promesse qu'elle avait faite à Panturle de lui trouver une femme. Au village, désormais, ne reste plus que ce chasseur qui devient peu à peu fou de solitude. Une femme surgit, par des chemins presque surnaturels. Et pour elle, Panturle rouvre la terre jadis féconde et l'ensemonce de blé. C'est l'annonce au village de nouveaux enfants.
Regain ou l'éclatante première manière de Giono : mystique, solaire, animale. -
Le matin fleurissait comme un sureau.
Antonio était frais et plus grand que nature, une nouvelle jeunesse le gonflait de feuillages.
- Voilà qu'il a passé l'époque de verdure, se dit-il.
Il entendait dans sa main la truite en train de mourir. Sans bien savoir au juste, il se voyait dans son île, debout, dressant les bras, les poings illuminés de joies attachées au monde, claquantes et dorées comme des truites prisonnières. Clara, assise à ses pieds, lui serrait les jambes dans ses bras tendres. -
Lors d'une nuit provençale où "les étoiles ont éclaté comme de l'herbe", Bobi le saltimbanque surgit sur le plateau. Pour le fermier Jourdan qui invite l'étranger chez lui, cette visite relève de la Visitation. Par ses incroyables paroles, Bobi s'annonce comme un personnage christique, gouverné par la joie, qui va bouleverser le "travail triste" des paysans du coin, leur révéler une vie plus authentique, plus risquée aussi, tant elle exige de confiance en l'homme et dépasse les égoïsmes. L'argent n'est plus utile ; on parle de mettre le blé en commun... Avec Aurore et Joséphine, deux fruits sensuels, l'utopie bascule dans le drame...
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"On comprenait que les hommes pourraient être aussi efficaces que Dieu dans d'autres domaines que la destruction."
On ne peut qu'être d'accord avec le narrateur quand on voit la magnifique forêt qu'Elzéard Bouffier a élevée patiemment tout au long de sa vie. Écologiste avant l'heure ? Sans aucun doute. Ce berger a décidé de redonner sa superbe à cette lande déserte de Provence en plantant une forêt de chênes, de bouleaux, de hêtres et d'érables. Grâce à l'oeuvre d'un seul homme, la vie revient peu à peu dans cette contrée désolée. Une histoire de patience, de respect et d'amour de la terre dont il faudrait certainement prendre de la graine... -
Un hameau provençal cerné de blé, de lavande, de genièvre. Le père Janet contemple cette nature depuis des années, il en connaît les sortilèges, et les secrets qui bruissent sur la colline. En montrant jadis où il fallait creuser pour capter l'eau, il a donné une fontaine, la vie, au village. Mais aujourd'hui Janet est vieux, couché près de l'âtre, il attend la mort en délirant. Ses paroles mystérieuses, menaçantes, inquiètent ses proches : c'est peut-être le signe qu'un danger plane sur le village. La fontaine tarit, une fillette tombe gravement malade, un incendie détruit les terres... Et si le vieux sorcier, se sentant finir, avait décidé de précipiter le village avec lui dans la mort ?
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"Je ne peux pas oublier la guerre. Je le voudrais. Je passe des fois deux jours ou trois sans y penser et brusquement, je la revois, je la sens, je l'entends, je la subis encore. Et j'ai peur. Ce soir est la fin d'un beau jour de juillet. La plaine sous moi est devenue toute rousse. On va couper les blés. L'air, le ciel, la terre sont immobiles et calmes. Vingt ans ont passé. Et depuis vingt ans, malgré la vie, les douleurs et les bonheurs, je ne me suis pas lavé de la guerre. L'horreur de ces quatre ans est toujours en moi. Je porte la marque. Tous les survivants portent la marque."
Un texte bouleversant dans lequel Jean Giono livre, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, un véritable plaidoyer pour la paix. -
Elle était à ce moment-là, de beaucoup et de loin, la plus belle femme de Châtillon, et même d'ailleurs certainement. Quelqu'un qui l'a bien connue à ce moment-là me disait : Elle était belle comme ce marteau, vois-tu ! Et il me montrait le marteau dont il faisait usage depuis vingt ans (c'était un cordonnier), un marteau dont le manche était d'un bois doux comme du satin depuis le temps qu'il le maniait, dont le fer si souvent frappé étincelait comme de l'or blanc. Et avec ça elle était tout le temps affable et gentille.
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Oscillant entre essai, récit et rêve, Giono glisse doucement de la campagne lombarde de l'Antiquité qui a vu naître Virgile à l'évocation de sa terre natale, Manosque, et mêle ainsi sa vie à celle du poète latin, jusqu'à la confusion. « Un Virgile subjectif au point qu'il ne parle que de moi et qu'on ne voit Virgile qu'à travers mes artères et mes veines, comme on apercevrait un oiseau dans les branches d'un hêtre » (Jean Giono, lettre du 5 mai 1947 à l'éditeur Fournier).
Ce texte a paru pour la première fois en 1947 dans la collection « Les pages immortelles » chez Corrêa/Buchet-Chastel. -
Albin avait raison : Louis, l'ouvrirer agricole venu de Marseille, se conduit mal avec les femmes. Le bellâtre a ensorcelé Angèle, la fille du fermier Clarius. Déshonorée, la honte au coeur, elle quitte le village de Baumugnes et sa famille pour suivre cet homme, un voyou qui va la prostituer. Elle revient fille-mère. Clarius humilié, l'enferme pour la caher aux yeux du monde. Il faut tout l'amour d'Albin pour braver le fusil d'un père suicidaire et la délivrer, elle et son enfant. L'auteur du Hussard sur le toit livre ici l'un de ses plus grands romans, avec ses phrases qui ont la "luisance d'une faux".
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Un curé traverse la route en portant une pendule. Un canon anglais passe au grand galop, les chevaux fouettés par les artilleurs français. Un colonel sans capote et nu-tête fait ses grands pas dans l'herbe. De sa main gauche il tient une boîte de sardines ouverte. Il trempe le pain dans l'huile et il pompe à pleine bouche. Un officier anglais, penché derrière un arbre, allume sa pipe à l'abri. Tout ça s'en va vers le mont Cassel.
Un réquisitoire contre la guerre. -
Alors, il se met à tripoter son paquet de cartes comme s'il tirait sur un accordéon. Il le frappe, il le pince, il le soufflette, il le caresse, il l'étire et le referme. Il annonce : roi de pique, sept de carreau, trois de coeur, roi de trèfle, dame de coeur, neuf de pique, deux de carreau ; et chaque fois la carte annoncée tombe. Il jette le jeu de cartes dans le bassin de la fontaine et, quand il va y tomber, le jeu de cartes se regroupe dans sa main. Il me l'étale sous le nez en éventail, en fer à cheval, en roue, en flèche. Il fait couler les cartes de sa main droite à sa main gauche, en pluie, en gouttes, en cascades. Il leur parle, il les appelle par leurs noms ; elles se dressent toutes seules hors du jeu, s'avancent, viennent, sautent. Il raconte de petites saloperies à la dame de coeur et la dame de coeur bondit jusqu'à sa bouche...
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De Manosque à Florence, en passant par Milan, Venise, Padoue, Bologne, voici l'Italie de Jean Giono, romancier du bonheur. Le lecteur le suivra dans ses découvertes, avec un plaisir extrême. À chaque pas, le paysage et les êtres apportent leur leçon. Giono sait traduire le message d'une allée de cyprès sur une colline, du froncement de sourcils d'un Milanais, du battement de cils d'une Vénitienne. Il est délicieux de voyager avec un tel guide.
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Jean Giono est né et mort à Manosque (1895-1970). Dans leur majeure partie, la vie et l'oeuvre de Jean Giono s'enracinent en Haute-Provence. Conteur exalté, chantre d'une nature et d'une paysannerie quasi mythologique, pacifiste entêté (Le Serpent d'étoiles, Triomphe de la vie), il est aussi l'auteur d'oeuvres plus « classiques » (Mort d'un personnage, Le Hussard sur le toit, Angelo) influencées par Balzac et Stendhal.
Le Livre :
La jeunesse provençale de Giono, entre une mère repasseuse et un père cordonnier, est forcément solaire, musicale, saturée de parfums, de portraits, de tableaux... Dans ces souvenirs parus en 1932, les simples deviennent des héros, les animaux voisinent avec les anges et la nature se gorge de mythes. Transcrite dans la langue du bonheur, voici la genèse d'un très grand écrivain. -
Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix
Jean Giono
- Grasset
- Littérature Française
- 1 Janvier 1938
- 9782246345091
« Oh ! je vous entends ! En recevant cette lettre, vous allez regarder l'écriture et, quand vous reconnaîtrez la mienne vous allez dire : « Qu'est-ce qui lui prend de nous écrire ? Il sait pourtant où nous trouver. Voilà l'époque de la moisson, nous ne pouvons être qu'à deux endroits : ou aux champs ou à l'aire. Il n'avait qu'à venir. A moins qu'il soit malade - ouvre donc - à moins qu'il soit fâché ? Ou bien, est-ce qu'on lui aurait fait quelque chose ? » »
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"Moulin de Pologne, pourquoi ce nom ? Personne n'en sait rien. Les uns prétendent qu'un pèlerin polonais allant à Rome s'établit jadis à cet endroit-là dans une cabane.
Un peu après la chute de l'Empire, un nommé Coste acheta le terrain, fit construire la maison de maître et les dépendances qu'on voit encore.
Coste était un enfant du pays, mais il y revenait après un long séjour au Mexique. C'était, paraît-il, un homme maigre et silencieux. On se souvient surtout de ce qui le caractérisa : des sautes d'humeur violentes qui le faisaient passer sans transition d'une bonté de pain à une cruauté famélique." -
"Viens, suis-moi. J'ai ici ma vigne et mon vin ; mes oliviers, et je vais surveiller l'huile moi-même au vieux moulin... Tu as vu l'amour de mon chien ? Ça ne te fait pas réfléchir, ça ?... Viens, venez tous, il n'y aura de bonheur pour vous que le jour où les grands arbres crèveront les rues, où le poids des lianes fera crouler l'obélisque et courber la Tour Eiffel ; où, devant les guichets du Louvre, on n'entendra plus que le léger bruit des cosses mûres qui s'ouvrent et des graines sauvages qui tombent ; le jour où, des cavernes du métro, des sangliers éblouis sortiront en tremblant de la queue."
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"Giono a beau se défendre d'être un écrivain provençal, il a trop habité la Provence et est trop habité par elle pour résister à ceux qui lui demandent d'en parler. Toute sa vie, il a ainsi écrit de courts essais, des préfaces, des articles. Ce sont eux qui sont réunis dans ce recueil.
La Provence n'est plus ici le lieu, à demi transformé par l'imaginaire, où il a situé le plus grand nombre de ses romans. Le but, dans ces essais, est de la montrer telle qu'il la connaît et telle qu'il la voit, c'est-à-dire très souvent à l'opposé des poncifs qui se sont accumulés sur elle. De ce pays, Giono donne une vision renouvelée par l'acuité de son observation, par son sens des couleurs et le bonheur de ses images. [...] Mais qu'on ne s'attende pas à trouver en Giono un guide touristique. La vision qu'il donne de la Provence est inséparable des personnages et des histoires qu'il y a fait vivre dans son oeuvre de fiction. Cela est si vrai qu'elle évolue en même temps que cette oeuvre. La Provence que montre Giono dans les années 50 et 60 n'est plus celle qu'il montrait avant la guerre. Lire à la suite ces textes écrits sur la Provence à divers moments, c'est embrasser d'un coup le parcours si particulier de cette oeuvre."
Henri Godard. -
Les Vraies Richesses... Titre explicite pour une manière de récit et d'essai dénonçant la vanité de la vie citadine, de l'argent, célébrant la gloire du soleil, de la terre, des collines, des ruisseaux, des fleuves « qui m'irriguent plus violemment que mes artères et mes veines ». L'ouvrage débute par une promenade parisienne à Belleville, prétexte pour l'auteur à une réflexion sur les « racines ». Giono, visionnaire et virtuose du sacré, rejoint vite, d'un bel élan amoureux, ses chemins de traverse provençaux, ses paysans mythologiques, la loi du pain, le vent des rêves.
Ce livre n'a aucun genre et les a tous. Manifeste écologique ? Peut-être, mais pour une campagne moins électorale que poétique. -
Moby Dick (qu'il devait traduire, en collaboration avec Joan Smith et Lucien Jacques) fut, « pendant cinq ou six ans au moins », le compagnon de Giono. « Il me suffisait de m'asseoir, le dos contre le tronc d'un pin, de sortir de ma poche ce livre qui déjà clapotait pour sentir se gonfler sous moi et autour la vie multiple des mers. Combien de fois au-dessus de ma tête n'ai-je pas entendu siffler les cordages, la terre s'émouvoir sous mes pieds comme la planche d'une baleinière ; le tronc du pin gémir et se balancer contre mon dos comme un mât. Mais... quand le soir me laissait seul je comprenais mieux l'âme de ce héros pourpre qui commande tout le livre. »
De cette communion avec un livre et son auteur est né cet essai, où la biographie a l'allégresse et la spontanéité de la vie : « un homme d'un mètre quatre-vingt-trois, avec soixante sept centimètres de largeur d'épaule » s'anime soudain sous nos yeux, tel un héros de roman, plus vrai que nature. -
Angelo, le héros du Hussard sur le toit, part de Turin après avoir fort joliment tué d'un coup de sabre M. le baron Schwartz, espion autrichien. Il passe la frontière en grand uniforme de colonel des hussards de Sardaigne, sur un cheval admirable. Les conspirations, les dangers, les amours ne vont point manquer à Angelo qui se trouvera aux prises avec le subtil vicaire général d'Aix-en-Provence, le marquis de Théus, avec la charmante Anna Clèves qui l'aimera sans espoir, avec Pauline enfin, cette femme si belle qu'il sauvera un jour.
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Ils se jetèrent l'un contre l'autre.
En échappant aux bras, Mon Cadet frotta sa tête contre la poitrine de Marceau. Il entendit de nouveau les furieux coups sourds. Il comprit que c'était le coeur de son frère ; il se sentait, lui, propre, net, sec et dur comme un fuseau de quenouille. Il lui glissait des mains, il prit audace et appuya carrément son épaule contre le ventre de Marceau. Il essaya de le ceinturer. Marceau le saisit aux hanches et le souleva.