Qu'elle évoque, sur les lieux mêmes où ils ont vécu, de grands disparus, comme Mallarmé à Valvins ou Marcel Proust chez sa " Tante Léonie ", qu'elle rappelle ses souvenirs personnels sur des contemporains illustrés, parmi lesquels on compte Paul Claudel, André Maurois, le Père Teilhard de Chardin, Jean Cocteau, Paul Valéry ou le docteur Schweitzer, qu'elle rende visite à Jean Rostand, qu'elle trace de vivants portraits du président Léopold Senghor, de Suzanne Lilar " l'analogiste ", du poète Jean Follain, Edmée de La Rochefoucauld observe toujours avec son intelligence, et raconte avec la fidélité de la mémoire, de la culture et du coeur.Ces Courts Métrages ne sont que des instants et des visages, d'autres lignes qui croisent la sienne un moment, et captivent son attention. Mais aucune de ces rencontres n'est indifférente, parce que ces hommes, ces femmes d'hier et d'aujourd'hui sont tous des êtres d'exception, qui nous laissent deviner, à travers ces textes, une part de leur secret.Parfois, un coup d'oeil, une brève notation, la sympathie en disent plus long qu'un volume entier, pour qui sait voir et donner à voir. L'auteur a ce don rare, qui invite à la confidence sans indiscrétion, et résume en quelques pages l'essentiel d'une vie, nous offrant alors, au-delà des témoignages, la " présence " éphémère et précieuse de ceux qui ont ainsi croisé son chemin.
Si loin que je remonte dans ma vie, je trouve un sentiment assez effrayant et persistant.Je sais que de nombreux auteurs avant et après Chateaubriand ont vilipendé et chanté l'ennui. Que les écrivains de Sénèque à Baudelaire ne sont pas des privilégiés de cette tristesse étrange et que la plupart des hommes l'éprouvent.Pourquoi ne croirais-je pas un jour que l'humanité entière est tributaire d'un ennui congénital et a cherché à le vaincre par cent sortes de moyens ? Pourquoi, divaguant peut-être, ne me persuaderais-je pas que l'ennui a été et reste à l'origine de tout : art, science, guerres, qu'il est cause de l'évolution, du changement dans les civilisations, des modes successives ? Pour échapper à l'ennui, on se donne des passions. Que n'a-t-on imaginé, que n'imagine-t-on pour le fuir ? Comment ne point rendre à ce sentiment son rôle extraordinaire, sa responsabilité à l'égard du progrès qui s'accomplit dans le monde, du mal et du bien qui se font ici-bas ?...E.L.R.