Notre monde est logistique. La pléthore d'acteurs qui consacrent leur énergie à acheminer les biens consommés de par le globe en témoigne : la circulation des marchandises est devenue un moteur essentiel du capitalisme mondialisé. Les pays les plus riches se constellent d'entrepôts qui prennent la place des usines abandonnées ; les pays les plus pauvres, eux, assurent la fabrication et le traitement des biens qui sillonnent la planète pour être achetés, consommés, mis au rebut.
Si c'est le monde industriel et marchand qui a donné à la rationalité logistique sa forme la plus aboutie, celle-ci s'étend aujourd'hui à l'ensemble de nos activités. Des politiques migratoires aux pratiques culturelles, de la conservation de l'environnement aux relations humaines, il n'existe plus guère de domaines de la vie qui ne soient soumis à la gestion des flux, ce principe fondamental d'intendance.
Il est grand temps de se demander comment le royaume logistique régit nos existences ; de montrer combien les conséquences de ses manquements sont dramatiques pour le vivant ; de raconter les multiples luttes qui lui font face. Et surtout, comme s'y emploie ce livre, il est urgent d'inventer d'autres imaginaires de la circulation et du transport, d'autres sujets collectifs pour un monde dans lequel les circulations ne seraient pas un instrument mortifère au service de la valeur marchande.
Alors que la guerre menée à la contrefaçon de médicaments semble obéir aux préceptes sanitaires les plus élémentaires, Mathieu Quet dans cette enquête qui nous conduit des bureaux des multinationales aux pharmacies de village des populations les plus démunies démontre qu'il s'agit une fois de plus d'une offensive de l'Industrie pharmaceutique pour défendre ses intérêts et maintenir son contrôle.
Renforcement des législations, nouveaux accords internationaux, opérations de police, multiplication des saisies : la lutte contre les " faux " médicaments a pris une ampleur inédite. Ces précautions semblent s'imposer : dans les pays les plus riches comme les plus pauvres, l'accès à des médicaments de qualité, contrôlés avec attention, n'est-il pas un droit indiscutable ?
Au fil d'une enquête qui nous conduit des bureaux des firmes multinationales aux pharmacies de village, des rues de Nairobi aux zones industrielles indiennes, Mathieu Quet montre que la bataille contre les faux médicaments fournit à l'industrie le moyen de reprendre le contrôle d'une situation qui lui échappait. Face à la montée en puissance de l'industrie générique et à la croissance des échanges commerciaux entre les pays du Sud, face aux mouvements de patients qui dénoncent les effets de la propriété intellectuelle, et face aux gouvernements des pays les plus pauvres qui ne s'en laissent plus conter, la lutte contre les faux médicaments est la solution trouvée par la
Big Pharma pour défendre ses monopoles et ses profits.
Une telle entreprise de sécurisation révèle certaines transformations essentielles du capitalisme, liées à l'évolution des routes marchandes et des formes de circulation, à la reconfiguration des stratégies de profit et des modes de contrôle. Il est grand temps d'étudier le fonctionnement de ce nouveau capitalisme des flux.