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Robert Laffont
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Il est admis que 1984 et La Ferme des animaux d'Orwell permettent de penser les dictatures du XXe siècle. Je pose l'hypothèse qu'ils permettent également de concevoir les dictatures de toujours. Comment instaurer aujourd'hui une dictature d'un type nouveau ? J'ai pour ce faire dégagé sept pistes : détruire la liberté ; appauvrir la langue ; abolir la vérité ; supprimer l'histoire ; nier la nature ; propager la haine ; aspirer à l'Empire. Chacun de ces temps est composé de moments particuliers.Pour détruire la liberté, il faut : assurer une surveillance perpétuelle ; ruiner la vie personnelle ; supprimer la solitude ; se réjouir des fêtes obligatoires ; uniformiser l'opinion ; dénoncer le crime par la pensée.Pour appauvrir la langue, il faut : pratiquer une langue nouvelle ; utiliser le double langage ; détruire des mots ; oraliser la langue ; parler une langue unique ; supprimer les classiques.Pour abolir la vérité, il faut : enseigner l'idéologie ; instrumentaliser la presse ; propager de fausses nouvelles ; produire le réel.Pour supprimer l'histoire, il faut : effacer le passé ; réécrire l'histoire ; inventer la mémoire ; détruire les livres ; industrialiser la littérature.Pour nier la nature, il faut : détruire la pulsion de vie ; organiser la frustration sexuelle ; hygiéniser la vie ; procréer médicalement.Pour propager la haine, il faut : se créer un ennemi ; fomenter des guerres ; psychiatriser la pensée critique ; achever le dernier homme.Pour aspirer à l'Empire, il faut : formater les enfants ; administrer l'opposition ; gouverner avec les élites ; asservir grâce au progrès ; dissimuler le pouvoir.Qui dira que nous n'y sommes pas ? M.O.
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L'opposition entre de Gaulle et Mitterrand met dos à dos un homme qui lutte contre l'effondrement d'une civilisation et un individu qui se moque que celle-ci disparaisse pourvu qu'il puisse vivre dans ses ruines à la façon d'un satrape. Le premier donne sa vie pour sauver la France ; le second donne la France pour sauver sa vie. L'un veut une France forte, grande et puissante, à même d'inspirer une Europe des patries ; l'autre la veut faible, petite et impuissante, digérée par l'Europe du capitalisme. L'un ressuscite Caton ; l'autre réincarne Néron. De Gaulle se sait et se veut au service de la France ; Mitterrand veut une France à son service. L'un sait avoir un destin ; l'autre se veut une carrière. De Gaulle n'ignore pas qu'il est plus petit que la France ; Mitterrand se croit plus grand que tout. Le Général sait que le corps du roi prime et assujettit le corps privé ; l'homme de Jarnac croit que son corps privé est un corps royal. L'un écoute le peuple et lui obéit quand il lui demande de partir ; l'autre reste quand le même peuple lui signifie deux fois son congé. L'homme de Colombey était une ligne droite ; celui de Jarnac un noeud de vipères. L'un a laissé une trace dans l'Histoire ; l'autre pèse désormais autant qu'un obscur président du Conseil de la IVeRépublique. L'un a fait la France ; l'autre a largement contribué à la défaire...Ce portrait croisé se lit comme une contre-histoire du XXe siècle qui nous explique où nous en sommes en même temps qu'elle propose une politique alternative qui laisse sa juste place au peuple : la première.M.O.
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La vengeance du pangolin ; penser le virus
Michel Onfray
- Robert Laffont
- 3 Septembre 2020
- 9782221250815
Un virus bien en chair et en os, si je puis me permettre, a démontré que le virus virtuel n'était pas la seule réalité avec laquelle nous avions à compter. Venu de Chine où des pangolins et des chauves-souris ont été incriminés, il a mis le monde à genoux.Il a été le révélateur, au sens photographique du terme, des folies de notre époque : impéritie de l'État français, faiblesse extrême de son chef, impuissance de l'Europe de Maastricht, sottise de philosophes qui invitaient à laisser mourir les vieux pour sauver l'économie, cacophonie des scientifiques, volatilisation de l'expertise, agglutination des défenseurs du système dans la haine du professeur Raoult, émergence d'une médecine médiatique, indigence du monde journalistique, rien de très neuf...Le covid-19 rappelle une leçon de choses élémentaire : il n'est pas le retour de la mort refoulée, mais la preuve vitaliste que la vie n'est que par la mort qui la rend possible. Tout ce qui est naît, vit, croît et meurt uniquement pour se reproduire - y compris, et surtout, chez les humains. Ce virus veut la vie qui le veut, ce qui induit parfois la mort de ceux qu'il touche. Mais quel tempérament tragique peut et veut encore entendre cette leçon de philosophie vitaliste ?Michel Onfray.
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J'ai subi un infarctus quand je n'avais pas encore trente ans, un AVC quelque temps plus tard, puis un deuxième en janvier 2018. Nietzsche a raison de dire que toute pensée est la confession d'un corps, son autobiographie. Que me dit le mien avec ce foudroiement qui porte avec lui un peu de ma mort ? La disparition de ma compagne cinq ans en amont de ce récent creusement dans mon cerveau, qui emporte avec lui un quart de mon champ visuel, transforme mon corps en un lieu de deuil. " Faire son deuil " est une expression stupide, car c'est le deuil qui nous fait. Comment le deuil nous fait-il ? En travaillant un corps pour lequel il s'agit de tenir ou de mourir. Un lustre de mélancolie ou de chagrin porte avec lui ses fleurs du mal. Ce texte est la description du deuil qui me constitue. Faute d'avoir réussi son coup, la mort devra attendre. Combien de temps ? Dieu seul (qui n'existe pas) sait... Pour l'heure, la vie gagne. Ce livre est un manifeste vitaliste. M. O.
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Selon le principe du Journal hédoniste, ce volume rassemble une quinzaine de textes conçus comme des réflexions instantanées sur les événements et débats du moment, des lectures ou des spectacles, des amitiés, ou évocations plus intimes liées à l'engagement de philosophe de Michel Onfray comme à sa vie personnelle. Le premier de ces textes, " Penser comme un cheval ", est un hommage à Bartabas, chez qui Michel Onfray retrouve le signe de cette sagesse des premiers âges qu'il rattache au panthéisme : la communion de l'homme avec l'animal. Ce lien essentiel qui l'unit à la nature est souligné dans deux autres chroniques sur la lumière et les oiseaux. La pensée politique de Michel Onfray, indissociable de sa réflexion philosophique, s'exprime avec force dans un éloge de Proudhon et de son " anarchie positive ", modèle à ses yeux d'une révolution qui peut s'accomplir sans violence. Il reprend cette même idée dans un très beau texte sur Camus, " Célébration de l'Algérie ", y rappelant l'aspiration de l'auteur de L'Étranger à une révolution politique qui ne soit pas dogmatique. Michel Onfray prend là le parti de Camus contre Sartre et la " légende sartrienne ", inscrivant ce " maître de sagesse " dans la lignée de ceux qui " pensent pour vivre " - Montaigne, Pascal, Diderot, Nietzsche... - et non pour seulement philosopher. Michel Onfray appartient à cette même famille, fidèle aux enseignements de son " vieux maître ", Lucien Jerphagnon, dont il salue l'oeuvre et la mémoire dans des pages émouvantes. Au " nihilisme contemporain qui consiste à aborder la plupart des problèmes sous l'angle du pire ", Michel Onfray oppose l'esprit des Lumières, le meilleur garant pour lui d'une indépendance et d'une vitalité intellectuelles dont il fournit dans ce Journal un exemple éclatant.