Pourquoi devons-nous travailler ?
Paul Lafargue (1842-1911), penseur socialiste, tente de comprendre l'amour absurde du travail, « cette étrange folie qui possède les classes ouvrières des nations où règne la civilisation capitaliste ».
Relire Le Droit à la paresse nous rappelle que la liberté d'employer le temps est fondamentale.
Pendant 99 % de l'histoire de l'humanité, l'homme a été chasseur, pêcheur et cueilleur. Il y a douze mille ans seulement, les humains, au nombre de quelques centaines de milliers, nomadisaient par petits groupes. Aujourd'hui, sept et bientôt neuf milliards d'humains, presque tous sédentaires, peuplent la terre. Leurs sociétés sont très inégalitaires, puisque environ 1 % d'entre eux possèdent la moitié de la richesse mondiale.
Comment en est-on arrivé là ? Que s'est-il passé pendant ces dix millénaires trop souvent absents de notre culture générale et médiatique ? Une invention décisive, en plusieurs endroits du globe : celle de l'agriculture et de l'élevage. Grâce à elle, la population humaine va s'accroître rapidement, prendre le contrôle de la planète et éliminer un grand nombre d'espèces biologiques. L'expansion démographique continue débouche sur la création des premières villes, des premiers États et, finalement, de l'écriture et de l'histoire...
Cette « révolution néolithique » a vu se mettre en place des pratiques qui ont toujours cours aujourd'hui : le travail, la guerre ou encore la religion. Jean-Paul Demoule les explore avec la hauteur de vue de l'archéologue et la passion de transmettre. Il bouscule notre vision de la préhistoire et notre rapport au monde tel qu'il est, ou tel qu'il pourrait être.
Remonter la Marne,"un voyage de retour", comme disent les ethnologues qui après avoir ausculté d'autres sociétés reviennent au pays pour l'explorer. Cette rivière, longue de 520 km, l'auteur l'a remontée à pied, depuis sa confluence avec la Seine jusqu'à sa source sur le plateau de Langres. Mince cordon nerveux situé trop près de la tête, Paris. " C'est là qu'il faut attaquer la maison France avec une chance d'en enfoncer la porte", a écrit Fernand Braudel. Les catastrophes nationales surgissent toujours du côté de ce cours d'eau. C'est une France inconnue et inattendue que l'auteur a découverte. Au gré de ses rencontres, il a été envoûté par la France hors circuit, celle qui ne va jamais à Paris et s'en félicite, la France des "conjurateurs", toutes ces personnes qui, sans être marginales, sont sorties volontairement de la course. Ces personnages résistent, à leur façon, au pessimisme contemporain et conjurent les esprits maléfiques de l'époque : l'esprit de lassitude, la fascination pour la décadence, la tyrannie du consensus.Voyage fragmentaire plutôt qu'inventaire, sorte d'extrait, comme on le dit d'un passage d'un livre ou de morceaux choisis, mais aussi d'un parfum concentré. Livre d'odeurs, de paysages encore intacts, d'églises désertes et de villages "démeublés" mais nullement moribonds. Seule la marche permet un rapport au temps, au silence, et le marcheur reste ouvert à l'aventure d'une auberge improbable, d'un barbecue dominical sur les berges ou d'un héron tout droit sorti d'une fable de La Fontaine. Remonter la Marne, c'est retourner en arrière, un désir d'aller vers l'origine, comme on se remémore son passé.
Au xviiie siècle, la plaine du Cul-de-Sac à Saint-Domingue, aujourd'hui Haïti, est divisée en une multitude de plantations sucrières, dont l'une se trouve entre les mains de nobles bretons, les Ferron de la Ferronnays.
En suivant l'ascension et la chute de cette famille de planteurs sur près de soixante ans, Paul Cheney redonne vie à un monde disparu, celui d'une aristocratie française oeuvrant à sa fortune par-delà les mers, de ses associés jouant de leurs relations et connaissance des lieux, d'esclaves africains sur le travail desquels repose l'ensemble d'un édifice finalement fragile. Car malgré les richesses produites, ces destinées s'inscrivent dans un contexte social, politique et environnemental incertain.
Paul Cheney brosse ici un portrait inédit du capitalisme marchand dans le premier empire colonial, celui d'un système qui, loin d'être source de progrès, se maintint par une inertie qui devait le mener dans une impasse économique et idéologique.
Paul Cheney est professeur d'histoire à l'université de Chicago. Spécialiste de l'histoire de France de l'Ancien Régime, ses recherches portent sur les effets de la première mondialisation de l'époque moderne.
Des brumes de Londres au soleil éclatant de Marseille, des policiers sont assassinés dans la plus sordide des mises en scène, avec un même symbole tatoué sur la langue. Scotland Yard et la police française s'allient pour remonter la piste de ces vengeances diaboliques. Des deux côtés de la Manche, les meilleurs
enquêteurs associent leurs méthodes pour traquer celui qui les humilie en s'attaquant aux plus grands flics. Quelle folie humaine peut réussir à « opérer »
avec une telle expertise chirurgicale ?
Spécialiste des quartiers sensibles et des situations extrêmes, Paul Merault sait d'expérience que le crime n'a pas de patrie et n'épargne aucun milieu. Ses fictions dépassent la raison, mais reflètent les sombres réalités des prédateurs
d'aujourd'hui.
Sur un fil, entre deux immeubles, de l'aile d'un avion au toit d'une voiture ou d'un métro, Jean-Paul Belmondo a pris tous les risques. Des années plus tard, il en rit
encore, l'oeil brillant. Ces éclats de rire tonitruants, il s'en est toujours servi pour garder ses secrets : sa vie, ses rencontres, sa famille, ses amours, ses joies immenses et ses peines les
plus grandes.
Jean-Paul Belmondo a aujourd'hui décidé de tout raconter. Son enfance marquée par la guerre, sa mère courage, l'atelier de son père, et ses premières amours.
Il nous entraîne dans les pas dilettantes de son service militaire en Algérie. Il nous invite aux comptoirs de la rue Saint-Benoît, pour y faire les quatre cents coups
avec ses copains de toujours, Jean-Pierre Marielle, Jean Rochefort, Michel Beaune, Pierre Vernier, Charles Gérard. Jean-Paul Belmondo se raconte ici pour la première fois, nous livrant la certitude que, oui, mille vies valent mieux qu'une.
L'histoire de Louis XI est celle d'un homme qui sut imposer ses décisions, qui dut garder sans cesse l'esprit en éveil, plier le temps à ses desseins, être deux fois plus habile et trois plus rapide que ses semblables, et cacher son sens de la comédie derrière les gestes du conformisme.
Ce livre nous montre l'image d'un homme aux capacités exceptionnelles, doué d'une personnalité diverse et complexe. Certains le considéraient comme « le plus subtil qui soit ». Pourtant, peu après sa mort, on racontait qu'il s'abreuvait du sang des nouveau-nés au cours de sa dernière maladie, était l'assassin de son frère et se délectait à écouter les cris de ses victimes torturées.
En abandonnant la légende pour retrouver la vie, Paul Murray Kendall révèle les vraies dimensions de l'homme, son habileté à charmer, son insatiable curiosité, son goût de la loyauté. Tout cela dans une biographie qui apporte une contribution essentielle à l'histoire du xve siècle tout en demeurant d'une lecture facile et passionnante.
Paul Murray Kendall (1911-1973) a enseigné l'histoire à l'université de l'Ohio et à celle du Kansas. Il a consacré plusieurs ouvrages à l'histoire du xve siècle.
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Éric Diacon.
"Noa Noa" signifie "parfumé" en tahitien. Dans ce journal, tenu par Paul Gauguin (1848-1903) lors de son premier séjour polynésien, éclate à chaque ligne l'émerveillement devant la nature, l'amour de la civilisation menacée des Maoris, la sensualité que lui inspire Tehura, sa jeune fiancée : "je suis embaumé d'elle:".
"La majorité des Français pensait comme Bossuet: tout d'un coup, les Français pensent comme Voltaire: c'est une révolution", écrivait Paul Hazard dans ce livre désormais classique. De 1680 à 1715 s'affrontent en effet les idées les plus contradictoires et les plus puissantes. L'ordre classique, qui avait repris force après la Renaissance, paraissait éternel. Or, vers 1680, tout se met à bouger. Un air extérieur semble souffler dans le solennel édifice; des esprits ont l'audace de prétendre que les Modernes valent bien les Anciens, que le progrès doit l'emporter sur la tradition, la science sur la foi. "Il s'agissait de savoir si l'humanité continuerait sa route en se fiant aux mêmes guides ou si des chefs nouveaux lui feraient volte-face pour la conduire vers d'autres terres promises."
Une époque charnière donc, où l'esprit de doute surgit partout. Le goût des récits de voyage élargit les horizons et ébranle les certitudes acquises; on discute de la Bible, de l'authenticité des textes sacrés, des mystères; les libres penseurs font la guerre à la tradition; on parle de religion naturelle, de mort naturelle, de droit naturel, on rêve d'une ère de bonheur terrestre fondée sur la raison et sur la science, les philosophes prônent la tolérance. C'est ce formidable bouillonnement d'idées et d'hommes que décrit Paul Hazard, retraçant ici en quelque sorte l'histoire des origines de l'Europe contemporaine.
Suite à la parution de Le Capitalisme à l'agonie, la question m'a souvent été posée : « Que faudra-t-il mettre à sa place ? » Je m'en étais tenu jusque-là au constat depuis mon avertissement qu'une crise gravissime allait éclater dans le secteur des subprimes. Il fallait maintenant passer à la prospective. Je n'avais pas de réponse toute prête (la réforme sociale n'est pas mon métier !), aussi me suis-je plongé dans l'examen de la question, laquelle est loin d'être simple. Car la crise actuelle en réunit en réalité trois, qui se combinent de manière particulièrement toxique : une crise due au fait que notre espèce se conduit comme une malpropre à la surface de la planète qui l'héberge, une crise due au fait que la maîtrise de la complexité nous a désormais totalement échappé (c'était déjà le cas avant l'invention de l'ordinateur, mais celui-ci a amplifié le problème), enfin la crise financière et économique, conséquence de la « machine à concentrer la richesse » qui constitue le coeur de nos sociétés, dont nous avons en général tiré une grande fierté jusqu'à ce qu'elle nous explose comme aujourd'hui à la figure. Avant de pouvoir dire ce qu'il faudra mettre à la place du capitalisme, bien des questions doivent être résolues : Pourquoi nous sommes-nous satisfaits d'une "science" économique incapable de voir venir une crise de l'ampleur de celle qui est en train de nous engloutir et de prôner ensuite les mesures nécessaires pour nous permettre d'en sortir ? Comment distribuer équitablement la richesse créée ? Poser les bonnes questions, dit-on, c'est déjà y avoir à moitié répondu
Savez-vous combien d'accidents industriels subit la France chaque année ? Plus de 68 000. Environ 187 par jour.
Vous n'en avez jamais entendu parler ? C'est normal ! La plupart du temps, ils suscitent juste un entrefilet dans la presse régionale. Seuls les accidents les plus meurtriers font la une. AZF nous a ainsi douloureusement marqués il y a vingt ans. Trente et une personnes ont perdu la vie parce qu'une centaine de tonnes de nitrate d'ammonium avait explosé. Ce même matériau a provoqué plus de 200 morts à Beyrouth en 2020.
Pourtant, des ports comme Marseille ou Saint-Malo continuent à en stocker jusqu'à 60 000 tonnes.
Vous l'ignoriez ?
Savez-vous seulement que des milliers de trains remplis de cette même matière dangereuse transitent, chaque matin, par la gare de triage de Drancy, en Seine-Saint-Denis ? À deux pas du RER B que 400 000 Franciliens empruntent quotidiennement ?
Vous tremblez ? Vous pouvez.
Et s'il n'y avait que ça. Imaginez, demain, la rupture du barrage de Vouglans dans le Jura. Plausible, vu l'état de vétusté de ces infrastructures. La vague que la rupture provoquerait pourrait atteindre la centrale nucléaire du Bugey dans l'Ain, entraînant potentiellement la libération d'un nuage radioactif à 30 kilomètres de Lyon. Cinq millions de personnes seraient menacées dans un rayon de 100 kilomètres.
Que font nos dirigeants pour nous protéger de ces risques et de tant d'autres présentés dans ce livre ? Trop peu. En dix ans, 10 000 contrôles sur des sites dangereux ont été supprimés ; les budgets des pompiers, amputés. Quant aux industriels, pour faire des économies sordides ils remplacent des salariés par des intérimaires ou des sous-traitants : 92 % de ce personnel travaillant sur des sites à risques d'incendie n'ont pas été formés à l'utilisation d'un extincteur.
Autant vous dire que... tout peut exploser.
Paul Poulain travaille dans un bureau d'études spécialisé en sécurité incendie et dans la maîtrise des risques industriels. Depuis huit ans, il sillonne la France et le monde pour étudier les installations dangereuses. Il est également enseignant, formateur et conférencier indépendant.
C'est un acte anodin qui lui aura presque coûté la vie. Le 27 avril 2004, Paul François, agriculteur, jette un oeil au fond d'une cuve contenant du désherbant. Gravement intoxiqué par les vapeurs du Lasso, un herbicide de Monsanto alors autorisé en France, le céréalier passe plusieurs jours dans le coma et près d'un an à l'hôpital.
Le 10 septembre 2015, après plus de dix ans de combat, la cour d'appel de Lyon reconnaît la responsabilité de la multinationale. Mais cette condamnation historique, confirmant celle déjà prononcée en 2012, ne marque pas la fin de son épuisant marathon judiciaire. En juillet 2017, la cour de cassation annule l'arrêt lyonnais et renvoie son cas devant une autre cour d'appel. Alors qu'il se lance dans cette nouvelle bataille, Paul François prend la plume pour dévoiler les coulisses de son terrible combat contre la multinationale américaine.
Déni des graves séquelles causées par le produit, tentatives de déstabilisation, violence des arguments du camp adverse, il nous livre le récit haletant d'une lutte à armes inégales.
Alors que la France est en deuil national, en mars 1885, et pleure la disparition de Victor Hugo, Paris est agité de l'une des plus bruyantes et des plus immenses cérémonies de la fin du siècle. Un seul fait entendre une voix discordante dans le concert de pleurs et des regrets louangeux que la presse entonne: Paul Lafargue, cet écrivain inclassable à qui l'on doit Le Droit à la paresse, s'attaque ainsi à la légende nationale que lui fabrique toute la presse.
Alors que nous nous apprêtons à célébrer de nouveau le « géant politique », il est encore temps de ne pas succomber à l'hugolâtrie, très répandue.
À titre individuel, nous n'avons jamais été aussi riches et en aussi bonne santé. Au même moment, la survie de l'espèce humaine dans son ensemble n'a jamais été aussi menacée. En dépassant la capacité de charge de notre environnement, nous mettons en cause aujourd'hui notre propre existence.
Que faire ? Les tentations sont nombreuses : celle du repli sur soi du survivalisme, celle de la fuite en avant du transhumanisme, celles aussi hélas de l'eugénisme et de l'exterminisme visant à éliminer une partie de la population jugée nuisible ou inutile.
Relevons la tête tant qu'il en est encore temps et réalisons qu'un autre avenir est possible : la rébellion contre l'extinction est désormais en marche, poursuivons-la, soutenons-la de la feuille de route que l'on trouvera ici. Mettons à profit nos connaissances, mobilisons les citoyens du monde, et engageons nos États dans un effort de guerre. Seule une entreprise de cet ordre est à même de garantir une véritable transition humaniste, sociale et écologique vers un monde remis à neuf. Cette fois sur une base de pérennité.
Si un demi-siècle sépare les deux auteurs, le même sentiment de l'urgence pourtant les rapproche.
Anthropologue, sociologue et psychanalyste, Paul Jorion révolutionne depuis douze ans le regard que nous portons sur la finance et l'économie. Il a récemment publié chez Fayard Défense et illustration du genre humain.
Vincent Burnand-Galpin est étudiant à l'ENSAE ParisTech et à Sciences Po Paris. Très investi dans sa vie étudiante, il a notamment publié le Guide d'action du lycéen engagé et fonde la tribune étudiante de l'ENSAE.
Se dire oui, « pour le meilleur et pour le pire »... Pour les uns, le mariage est le plus beau jour de la vie. Pour les autres, c'est le début de la fin. Faut-il ou ne faut-il pas se marier ? Vieille querelle qui dure depuis des siècles, sans cesse rejouée ! Jean-Paul Morel nous raconte l'imaginaire du mariage à travers les sentences de la sagesse populaire et les bons mots d'auteurs. Préparatifs, cérémonie, contrat, sentiments, fidélité, vie quotidienne... La plus vieille institution est passée au crible. Que l'on soit pour ou contre le mariage, l'amour a toujours le dernier mot.
Qui étaient-ils, d'où venaient ces Turcs qui prirent Constantinople en 1453 et qui, des siècles durant, ont fait frémir l'Occident ? On connaît les visions pittoresques que nous en ont laissées Racine et Pierre Loti, Mozart et Delacroix entre autres. Mais sait-on que leur histoire est celle d'une mosaïque de peuples qu'on a connus au cours du temps sous des noms différents ? Sait-on que de Pékin à Alger, du Pacifique à la Méditerranée, ils ont parcouru presque tout l'ancien monde et que leur rôle dans l'aventure humaine a été fondamental ? Les Tabghatch qui franchissent la Grande Muraille au début de l'ère chrétienne, les Ouïghours qui dissertent de Dieu au coeur des déserts de l'Asie, les cavaliers de la Horde d'Or qui brûlent Moscou, les Ottomans qui font de leur empire la première puissance du monde, les janissaires qui assaillent Vienne, les Grands Moghols qui créent l'Empire des Indes, tous étaient des Turcs.
Les Turcs, c'est donc quelque 2000 ans d'une histoire dont les héros les plus célèbres s'appellent Attila, Tamerlan, Soliman le Magnifique, Akbar, Atatürk ; c'est aussi une immense civilisation où se sont côtoyés tour à tour la violence et le sang, la paix, l'ordre, la tolérance, le mysticisme et l'art le plus raffiné.
Jean-Paul Roux a consacré une large part de son ouvre à l'étude des peuples turcs et mongols ainsi qu'a l'histoire comparée des religions. On lui doit, outre de nombreux articles, plusieurs livres de synthèse dont Le Sang : mythes, symboles et réalités (Fayard, 1988), Jésus (Fayard, 1989), Histoire de l'Empire mongol (Fayard, 1993) et L'Asie centrale (Fayard, 1997).
Charlotte Delbo (1913-1985) est non seulement l'un des écrivains de la littérature dite des camps les plus étudiés dans les pays anglo-saxons, où elle est considérée à l'égal de Primo Lévi, mais une femme au destin exceptionnel. Près de 30 ans après sa mort, alors qu'on commémore en 2013 le centenaire de sa naissance, Violaine Gelly et Paul Gradvohl reviennent sur la vie de ce formidable témoin du XXe siècle. Issue d'une famille modeste, elle poursuit des études de philosophie à la Sorbonne et adhère aux Jeunesses communistes, où elle rencontre Georges Dudach qu'elle épouse en 1936. En 1939, elle fait la connaissance de Louis Jouvet, devient son assistante et sa confidente. Une rencontre intellectuelle décisive, qui place le théâtre au coeur de son expression. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle s'engage dans la résistance avec son époux. Ce dernier est arrêté et fusillé. De leur dernière entrevue, Charlotte tirera, vingt ans plus tard, une pièce de théâtre, Une scène jouée dans la mémoire. Le 17 août 1942, Charlotte Delbo est déportée dans un convoi de prisonnières politiques françaises à Auschwitz-Birkenau puis Ravenbsbrück. Libérée le 23 avril 1945, elle est rapatriée en France en mai. Après la guerre, son combat continue. Elle travaille à l'ONU et, à partir des années 1960 et la parution de la trilogie Auschwitz et après, elle ne cesse plus d'écrire : textes brefs, poèmes en prose, pièces de théâtre (sur les massacres dans la Grèce des colonels, les procès contre les autonomistes basques), construisant progressivement une oeuvre discrète mais majeure qui, mêlant témoignage et littérature, accorde une place de premier ordre aux femmes.
Impératrice d'Autriche (1740-1780), reine de Hongrie en 1741 et de Bohême en 1743, Marie-Thérèse a été considérée de son vivant comme "la mère de l'Autriche". D'une part, parce qu'elle donne le jour, entre 1737 et 1756, à seize enfants parmi lesquels deux futurs empereurs - Joseph II et Léopold II - et la future Marie-Antoinette.
Mais surtout parce que cette despote éclairée invente un art de gouverner conciliant tradition et modernité, elle procède avec pragmatisme et fait confiance à son intuition. Sa foi catholique va de pair avec une politique inspirée des Lumières. Tout en assouplissant les règles austères qui régissent la cour des Habsbourg, elle pose les fondements de l'Etat moderne et mène à bien de nombreuses réformes pour affirmer l'autorité de l'Etat sur les particularismes locaux : elle institue un Conseil d'Etat qui traite des grandes affaires de l'Empire, unifie la législation et ouvre plusieurs instituts pour former des fonctionnaires civils et militaires.
Dans le même temps, il lui faut se battre à l'extérieur. Dès les débuts de son règne, elle a dû faire face à la coalition des grands Etats européens qui, la France en tête, menacèrent son héritage quand son père mourut (guerre de succession d'Autriche). En fin de compte, Frédéric II lui enlève la Silésie, mais elle consolide la position de l'Autriche par l'acquisition d'autres territoires, tout en nouant de savants mariages pour ses enfants.
Jean-Paul Bled, auteur de François Joseph (Fayard, 1987) et d'Histoire de Vienne (Fayard, 1998), est professeur à Paris-IV et directeur du Centre d'études danubiennes à l'université de Strasbourg.
Les études iraniennes n'ont pas la place qu'elles méritent et notre connaissance du monde iranien est superficielle. On dirait qu'un grand voile le recouvre qui ne laisse transparaître que quelques phares : Suse, Persépolis, Samarkand, Herat, Ispahan, Chiraz, des miniatures, des poèmes... Il devrait briller de tous ses feux, il devrait être éclatant comme son ciel d'un bleu inégalable, comme ses longs déserts de sable doré, ses montagnes dénudées, comme sa théologie de la lumière, comme ses dômes recouverts de faïences d'azur, comme ses roses d'Ispahan, comme ses poètes
« d'inimitable simplicité ». Il se dissimule à nos yeux, dans la nébuleuse de l'islam où il affirme une forte personnalité.
Et pourtant l'histoire de l'Iran intéresse de près l'histoire universelle. Sa connaissance est indispensable à tout historien, à tout honnête homme. Qui pourrait lire la Bible en ignorant la déportation à Babylone et l'édit libérateur de Cyrus, « l'oint de Iahvé », dit le Deutéro-Isaïe ? Comment pourrait-on étudier la Grèce en négligeant les guerres Médiques, Hérodote, né sujet iranien, Alexandre et sa conquête du monde ? Qui resterait indifférent devant la venue des Mages, des prêtres-rois iraniens, au berceau du Christ ? Qui oserait oublier l'importance capitale pour l'Empire romain de sa longue lutte contre les Parthes et les Sassanides ? Avec quel regard visiterait-on les Indes si l'on ne savait pas que l'islam indien dépend, en
partie au moins, de l'islam iranien ? Et l'amour courtois de notre beau Moyen Age n'est-il pas né dans ce pays cathare qui transmet un ultime écho des vallées de la Mésopotamie ? On pourrait multiplier à l'infini de semblables questions.
Jean-Paul Roux a consacré une large part de son oeuvre à l'étude des peuples d'Orient et d'Asie, ainsi qu'à l'histoire comparée des religions. On lui doit, outre de nombreux articles, plusieurs livres de synthèse dont l'Histoire de l'Empire mongol, L'Asie centrale. Histoire et civilisations, l'Histoire des Turcs.
Une machine à concentrer la richesse, laissant une poignée de vainqueurs face à une armée de vaincus : voilà ce qu'est devenu le capitalisme. L'État-providence n'aura duré qu'une saison, la révolution technologique en cours réduit le marché de l'emploi.
Le court-termisme règne en maître, la défense de privilèges aussi exorbitants que médiocres bloque toute tentative de sauvetage.
La finance et l'économie pouvaient être réformées au lendemain de l'effondrement de 2008. Rien n'a été fait. Le verdict est sans appel : nous n'apprenons pas de nos erreurs ! Si bien qu'aujourd'hui, se débarrasser du capitalisme est devenu, pour l'humanité, une question de survie.
Paul Jorion propose une analyse sans concession et des pistes d'espoir : oui, la spéculation peut être interdite comme autrefois ; oui, l'État-providence doit être inscrit une fois pour toutes dans nos institutions ; oui, un projet européen ressuscité pourrait être le fer de lance d'un véritable redressement ! Seule la volonté fait défaut. Anthropologue et sociologue de formation, Paul Jorion révolutionne depuis dix ans le regard que nous portons sur la finance et l'économie. Son récent ouvrage, Le dernier qui s'en va éteint la lumière, a d'ores et déjà laissé sa marque
Qui étions-nous ? Pour répondre à cette question, Paul Jorion dresse l'inventaire de ce que nous, êtres humains, avons pu comprendre jusqu'ici de notre destin. Il convoque pour ce faire les phares de notre réflexion sur nous-mêmes, certains aux noms attendus : Confucius, Socrate, Aristote, Paul de Tarse, Hegel, Nietzsche et Freud, ou moins attendus, tels Machiavel, Shakespeare et Victor Hugo, voire inattendus, comme Mao Tse-toung et Jacob Taubes.
Cette évaluation est réalisée en vue d'assurer notre salut, lequel est sérieusement compromis aujourd'hui, dans un contexte de destruction accélérée de nos conditions de vie à la surface de la Terre. Le scénario le plus optimiste parmi les plus plausibles a cessé d'être celui de machines de plus en plus intelligentes à notre service, pour être celui de notre remplacement pur et simple par celles-ci. Si nous voulons survivre en tant qu'espèce, il nous faut sans plus tarder passer la vitesse supérieure. Il faut pour cela réunir l'équipe de ceux qui ne se résolvent pas à notre disparition, des femmes et des hommes qui soient précisément résolus, bâtissant sur les principaux acquis de l'humain, de la réciprocité au génie technologique. C'est l'appel lancé dans cette Défense et illustration du genre humain.
Anthropologue et sociologue, Paul Jorion révolutionne depuis dix ans le regard que nous portons sur la finance et l'économie. Il a récemment publié chez Fayard À quoi bon penser à l'heure du grand collapse ?
On ne s'attendrait pas, spontanément, sous le soleil du littoral californien, à trouver une crêperie picarde où un spécialiste mondial de Baudelaire serait en charge de préparer la soupe à l'oignon. En Amérique, tout est possible, dit-on. Ou serait-ce que, en vacances plus ou moins forcées, l'esprit libre et l'oeil ouvert, Paul Jorion se soit simplement rendu disponible aux rencontres les plus étonnantes, aux situations les plus inattendues ?
Car sans doute jamais le mot « vacances » ne retrouve-t-il un sens plus proche de son origine étymologique que quand on est contraint de les prendre sans les avoir planifiées, dans un pays de rêve, certes, mais sans projet. On s'invente des aventures, on magnifie des conversations sans lendemain, mais on mesure chaque jour un peu mieux le peu de place qu'on occupe dans le vaste monde.
A moins que, bien sûr, au hasard d'une séance chez une dentiste...
Faisant ici ses premiers pas de romancier, Paul Jorion n'en oublie pas pour autant ses qualités d'anthropologue et de sociologue, troussant en quelques phrases des portraits savoureux, observant tout ce dont les êtres humains sont capables pour se faire apprécier de leurs semblables, et s'incluant dans cette étrange danse de séduction avec une autodérision pleine de sagesse.
Auteur de nombreux ouvrages, Paul Jorion s'est notamment fait connaître par son regard résolument neuf sur l'économie et la finance, qui lui vaut l'attention d'un très large public.
À la chute du mur de Berlin, le capitalisme triomphait : privé d'ennemis, il cessait d'être un système économique parmi d'autres pour devenir la manière unique dont un tel système pouvait exister. Vingt ans plus tard, il est à l'agonie. Que s'est-il passé ? Une explication possible est que le capitalisme a été atteint du même mal qui venait de terrasser son rival et la complexité devrait alors être incriminée : l'organisation des sociétés humaines atteindrait un seuil de complexité au-delà duquel l'instabilité prendrait le dessus et où, sa fragilité étant devenue excessive, le système courrait à sa perte. Une autre explication : il avait besoin de l'existence d'un ennemi pour se soutenir. En l'absence de cette alternative, ses bénéficiaires n'auraient pas hésité à pousser leur avantage, déséquilibrant le système entier. Autre explication encore : du fait du versement d'intérêts par ceux qui sont obligés de se tourner vers le capital, c'est-à-dire d'emprunter, le capitalisme engendrerait inéluctablement une concentration de la richesse telle que le système ne pourrait manquer de se gripper. Entre ces hypothèses, il n'est pas nécessaire de choisir : les trois sont vraies et ont conjugué leurs effets au début du XXIe siècle. C'est cette rencontre de facteurs mortifères qui explique pourquoi nous ne traversons pas l'une de ces crises du capitalisme qui lui sont habituelles depuis deux siècles, mais sa crise majeure, celle de son essoufflement final, et pour tout dire celle de sa chute.
Toute définition du sang appelle son contraire. Le sang souille et purifie, il est masculin et féminin, faste ou funeste, bienfaisant ou dangereux, et le répandre peut être crime ou acte sacré.
Or, devant le sang, l'humanité, en règle générale, a réagi de la même façon. Le sacrifice sanglant fut universel, et s'il disparut très tôt dans le monde judéo-chrétien, il atteignit le sommet de l'horreur chez les Aztèques. Universelles aussi furent les blessures rituelles. De même, la menstruante ou la nouvelle accouchée ont partout éveillé la crainte et ont été frappées d'interdits. Et l'on peut multiplier les rapprochements. Qu'il s'agisse de la chasse, de la vendetta et de l'alliance des sangs, ou encore des vampires, on retrouve les mêmes archétypes, les mêmes rites, les mêmes symboles dans des sociétés que le temps, l'espace et la culture pourtant séparent.
Ainsi en est-il également de ces larmes de sang par lesquelles les mystiques de l'Orient comme ceux d'Occident ont exprimé leur amour pour Dieu. Car pour l'auteur, lui même chrétien, nul doute que le sang a un sens mystique. Dans un chapitre superbe, il montre comment l'Eucharistie et la Passion du Christ se placent sous le signe du sang. Les chrétiens du Moyen Age et des siècles qui suivirent ont vécu avec ardeur cette Passion du Dieu sauveur; ses saints ensanglantés en furent l'expression la plus émouvante. Enfin c'est également dans une perspective christologique que l'auteur situe la mort de Louis XVI: l'historien des religions peut la lire comme le sacrifice d'un chef, purificateur et rédempteur, qui devait engendrer le monde moderne.
Ces pages écrites avec ferveur pourront surprendre, voire choquer. Le sang est, par essence, ambivalent. Il a joué et joue encore un rôle fondamental dans toutes les civilisations. Et ce livre, qui met en évidence les croyances et les comportements humains face au sang, ne laissera personne indifférent.
Jean-Paul Roux, directeur de recherches au CNRS, professeur à l'Ecole du Louvre, a publié de nombreux travaux d'érudition consacrés à l'histoire religieuse et des livres de synthèse, dont l'Histoire des Turcs, Les Explorateurs au Moyen Age, Babur. Histoire des Grands Moghols.