Que cache le dossier MISERY95, lié aux meurtres de SDF dans le Val-d'Oise ?
Val-d'Oise, au centre d'un tsunami social annoncé l'OPJ Omar Ling s'intéresse au dossier MISERY95 concernant des homicides perpétrés sur des SDF. Il est hanté par sa séparation d'avec sa concubine, l'étrange disparition d'une collègue et aussi l'agression sur un indic. Progressant en parallèle, policier et killer finiront par se rencontrer... au bal du diable. « On combat pas la précarité en supprimant les pauvres... Pour moi, c'est quelqu'un qui hait les exclus ».
Accompagnez l'OPJ Omar Ling dans cette enquête policière à suspense tissée d'agressions et d'étranges disparitions, dans ce roman qui dénonce l'impact de la précarité et de l'exclusion sur la société.
EXTRAIT
Trois morts étranges plus un marginal et une aide-ménagère assassinés et un indicateur à l'hôpital, et lui Omar Ling, agressé violemment. Un lourd tribut.
Après sa virée à Auvers, l'entretien avec Charlie en plein air l'avait anéanti. La douce chaleur du domicile le requinqua. Il prépara du café, prit un Advil 400 contre ses maux de tête et ouvrit un paquet de biscuits. Peu après il reposa la tasse vide sur la table et ouvrit Le Monde acheté sur le trajet du retour de Cergy. Il y était question de :
UN AUTRE SDF ASSASSINÉ DANS LE VAL-D'OISE.
Un dénommé Michel Vagerit, 53 ans, veuf, une fille, originaire des Yvelines, découvert à Auvers-sur-Oise le matin même. Les hommes de la brigade criminelle étaient sur les dents. En voudrait-on à une population stigmatisée depuis longtemps ? Rien de plus sur le SDF n° 3 comme le qualifiait dorénavant Ling, persuadé qu'il y aurait d'autres victimes. Il feuilleta les pages intérieures du quotidien, s'attarda sur un article qui rappelait le meurtre de Louise Raquin, sans nouvelles informations. Il avala un énième biscuit, sourit de l'allusion à la crim' car les effectifs actuels ne permettaient plus de mobiliser le nombre de personnes nécessaire.
Il s'apprêtait à se servir un autre café lorsque son portable vibra. Il fondit dessus, écrasa la touche d'appel. Le brigadier-chef Duroy avait fait diligence. Il était passé par le SIV, système d'immatriculation des véhicules, et avait obtenu ce qu'il souhaitait. Le véhicule repéré par Dali à proximité de la Maison de l'Île d'Auvers, sa présence à la gare de Cergy-Préfecture confirmée par Charlie, était un Volkswagen type Crafter 30 Van court. Le titulaire du certificat était un nommé Fargot Kevin domicilié rue du Pilori à Boran-sur-Oise 60. Téléphone et profession n'étaient pas mentionnés.
À la demande de Duroy concernant les raisons de cette recherche et la destination des résultats, Ling donna une réponse évasive puis changea de sujet en demandant des nouvelles de leur cher commissaire Santi. Ce dernier n'était plus à prendre avec des tenailles. Ling remercia, se défaussa de nouveau quant aux instructions se rapportant au nouvel homicide, remercia et mit fin à l'entretien.
Les événements s'accéléraient. Chacun d'eux, dans sa spécificité, était structuré, réfléchi, mais une fois l'ensemble réuni ça devenait délirant. Il grilla une cigarette.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Né à Montmorency, Roland Sadaune se passionne de littérature policière dès l'âge de treize ans. Après une adolescence passée entre usine et hôtel, il corrige l'erreur d'aiguillage en plongeant dans la peinture. Sa carrière ne l'empêche pas d'entreprendre l'écriture d'ouvrages policiers. Précurseur du Polar - 95 avec Auvers d'Oz et Val-d'Oise rouge, ancien membre du bureau de l'Association 813, il participe à des revues et propose une exposition, Palette Noire.
Un peintre en mal d'inspiration et d'amour vit d'expédients trompeurs...
AVEC SON MENTON SOUILLE DE ROUGE orangé et ses épaisses cuisses entrouvertes, elle faisait songer à une pute d'abattage avalant du kilomètre sans jamais avoir l'air absorbée. Son slip garance était fendu sur un sexe suggéré aux mèches poisseuses. Autant de claires agrafes qui sutureraient sa plaie, poursuivant la magie de leur nuit débridée.
- Planque ça ma coquine, se surprit-il à dire. T'es toute luisante sous le nylon et je me sens monter l'angoisse des profondeurs... Si on prenait une douche ensemble ?
Roland Sadaune, artiste peintre lui-même, brosse le portrait d'un drôle de zigue qui, faute d'avoir rencontré l'âme soeur, se complet dans le mensonge et l'artifice.
Pianiste de bar est un métier qu'on ne peut aimer qu'à la folie...
DEBAR, C'EST MON SURNOM. Je suis saxophoniste occasionnel, guitariste à mes heures et pianiste de vocation. Un type en « iste » comme dans lampiste. Bref, un employé subalterne du Stringate. Un point de suspension précédant le mot bar...
A force de nous seriner, soit on tire sur le pianiste, soit on l'enferme. Roland Sadaune s'adonne à son genre favori : la nouvelle noire, tantôt picturale, tantôt musicale, pour le plaisir des lecteurs.
Dans un Paris nocturne, la maraude d'un type qui veut se venger de son sort...
Je relève le col de mon cuir noir aux poignets râpés et ramène mon bonnet de laine sur mes oreilles. L'existence est mal foutue. Boulot à responsabilités, charrette de licenciés, femme qui plie bagage juste avant la débâcle, et c'est la dégringolade jusqu'aux Abysses, terminus métro Jaurès lignes 2, 5 et 7b. En prime la guitoune cartonnée siglée FRAGILE en bordure de voie d'eau artificielle. Je ne dois m'en prendre qu'à moi-même ? Un SDF sur trois est divorcé ou veuf, disent les statistiques, mais combien se sont fait larguer en accédant au chômedu ?
Roland Sadaune a le chic pour brosser en quelques phrase : Paris la nuit et ses ombres, ses figures haut en couleur et ses drames, le tout sur fond de crise économique.
Fausse piste, faux semblant, les apparences sont trompeuses pour pister un serial killer de blondes.
« Il étudia la photo en noir et blanc. Pleine page. Du travail d'artiste. Vrai que la belle domptait la lumière, même les ombres éblouissaient. Il ignorait son identité, et ne cherchait pas à la connaître. Pour lui, elle était le énième de ces mannequins qui hantaient les médias. Il découpa la page avec précaution, reposa les ciseaux, et la hissa des deux mains jusqu'à ses yeux las. Qu'est-ce qu'elles ont toutes à prendre ces poses ? marmonna-t-il, accentuant son étude. »
On imagine le plaisir jouissif de l'auteur qui embarque le lecteur dans une fausse direction, avant d'obliger ce dernier à bifurquer sur une autre piste. Roland Sadaune possède cet art. Quand vous rajoutez la chute imparable, on tire son chapeau !
C'est la nuit de Noël qui brille de mille feux au cou de la richissime veuve... Un cadeau pour les gangsters...
L'assistance, assise et silencieuse, perçut les premières paroles de la prédication. Le signal pour Lancaster, qui se leva d'un bond, ouvrit son manteau, récupéra le masque à gaz et, tout en fonçant vers l'autel, le plaça sur son visage. Il devinait ses deux comparses faisant de même, à la surprise générale.
- Calmos m'sieurs-dames, c'est un hold-up. On ne bouge pas ! conseilla-t-il dans le micro, en maintenant écarté son masque.
Roland Sadaune possède tous les talents du nouvelliste. Dans cette nouvelle chorale, toutes les actions de ses personnages s'agrègent et convergent vers la chute finale de cette messe de minuit mouvementée.
Décroisser la lune, est-ce hors de portée pour ce SDF secrètement amoureux de la boulangère bienfaitrice ?...
« - Prenez... Plus froid que la semaine dernière, n'est-ce pas ? Je la devine pressée mais disponible, discrète mais enjouée. Je récupère le sac en papier garni de je ne sais quels délices. L'odeur flatte mes narines, tandis que j'enregistre mille myriades dispensées par son regard éblouissant.
- Merci beaucoup. Oui ça... ça pique ces jours-ci, je bredouille. Je me tiens dans la flaque de lumière du trottoir, héron mazouté.
- Ils ont prévu zéro degré, sourit ma bienfaitrice. »
Dans la rue, la concurrence est féroce entre miséreux. Sadaune pose sur eux un regard chaleureux et humain, en mesure de découvrir ce que cachent les oripeaux de la pauvreté extrême.