Des années durant, l'écrivain Yves Pagès a glané toutes sortes de statistiques, notant dans un carnet des centaines de pourcentages. De ce vertigineux inventaire, il a fait un livre étrange qui, entre jeu littéraire à la Raymond Queneau et réflexions philosophiques à la Theodor Adorno, reconstitue par fragments le tableau d'une société infestée par une vision comptable du monde. Difficile de rompre la glace du monstre statistique, d'échapper à ses ordres de grandeur qui prétendent tout recenser de nos faits et gestes, quantifier nos opinions, mettre en coupe réglée nos vies matérielles. Sous emprise comptable, chacun se sent casé d'office, sondé de bas en haut, pris au piège. Mais alors, comment nous soustraire au grand dénombrement ? Sans prétention d'exhaustivité, l'auteur se propose de passer ces données brutes au tamis de rêveries interprétatives, pour traquer leurs failles implicites ou les confronter à d'autres cas de figure.
À la logique de la quantification de toutes choses, il oppose, par collage, accumulation et divagation, une poétique de l'absurde.
Par-delà cet art du détournement stylistique, il nous livre en pointillé une analyse caustique de la condition des vivants à l'ère de la gouvernance par les nombres, agrémentée de quelques suggestions paradoxales pour passer entre les mailles du filet statistique.
Bruno Lescot est en cavale. Sa jeunesse, il l'a passée à collectionner les délits, jusqu'à son dernier exploit, ce faux braquage qui a coûté la vie à un policier. Aujourd'hui, coupable tout désigné aux yeux des juges, il préfère disparaître. C'est donc sans lui que se déroule son procès, et que s'enchaînent les expertises et les témoignages de ceux qui l'ont côtoyé. Le portrait qui se dessine alors est celui d'un homme de sac et de corde, aux fidélités multiples, prêt à toutes les aventures, pourvu qu'elles défient l'ordre et ses gardiens dont il aime à se moquer.
Car Lescot est un ironiste d'un genre particulier, plaçant si haut la liberté qu'il est prêt à la perdre pour un mot d'esprit retors.
Encore heureux ? Une bombe littéraire. Au lecteur d'allumer la mèche.
Cent personnages saisis au moment où leur vie bascule, cent spécimens de notre condition humaine. Leurs portraits sont esquissés en quelques lignes à partir d'un simple prénom, d'une situation paradoxale et d'un certain point de non-retour. Tous sont extraits de la réalité contemporaine, réinventés de mémoire, puis raccourcis à la virgule près.
Mauricio, l'embaumé public, Agnès, la monitrice d'inconduite automobile, Robin, l'emprunteur précoce de pilule contraceptive, Phil, l'accidenté d'avant le travail, Charlotte, la suicidaire intermittente, André, émeutier à lui tout seul... autant de héros du presque-rien qui forment une multitude à notre image : la première personne du pluriel.
Entre fêlures intimes et identités sociales en crise, Yves Pagès poursuit le chantier d'écriture fragmentaire entamé depuis Petites Natures mortes au travail avec une langue plus resserrée que jamais et un humour tendrement corrosif.
" L'oubli, c'est un bruit de fond familier, le mien. Une nappe sonore qui empêche d'isoler ceci de cela, cernée par la plénitude du silence autour... Tant de balises portées disparues, refoulées dans les profondeurs, depuis sept quinze trente ans, et les voilà soudain ici flottant à la surface. "
Brèves rencontres, deuils en miroir, scènes insolites, malentendus exemplaires : autant d'instantanés patiemment rassemblés, grâce auxquels Yves Pagès, par un subtil jeu d'échos, se réinvente une mémoire. Autant d'émotions, constamment déjouées par l'humour et les surprises du montage. c'est ce regard décalé, insolent, qui donne tout son prix à cet autoportrait en forme de puzzle.
Poudre sur la Solitaire vous embarque au coeur de la course en solitaire du Figaro, à la fin des années quatre-vingt. Cette épreuve nautique de renom, l'auteur la connaît bien et en fait le théâtre d'une sombre intrigue policière. De nombreuses péripéties attendent Jacques, navigateur confirmé, lors de ce périple en mer : la compétition est rude et les éléments se déchaînent... Jacques a-t-il toutes ses chances ? Pourra-t-il faire la lumière sur les déroutants évènements qui viennent perturber cette édition de la Solitaire du Figaro ?
Toutes les qualités du marin seront mises à l'épreuve au fil de ce parcours à rebondissements, qui constitue aussi une ode à la navigation.
Navigateur depuis l'adolescence, Yves Pagès a participé huit fois à la Solitaire du Figaro entre 1983 et 2000. Il habite Plouzané, commune littorale de 13 800 habitants de la périphérie brestoise, dont il a été le maire et le conseiller général. Cardiologue de formation, il est investi depuis plus de quinze ans dans le domaine de la santé publique et préside la Société Française de Sport Santé et le Défi santé nutrition.
Dans ce numéro, Nouvelles pratiques sociales présente un dossier thématique préparé par Lucie Gélineau, Alexandre Pagès, Jean-Yves Desgagnés et Lorraine Gaudreau qui porte sur la pauvreté et l'intervention sociale en milieu rural. L'entrevue, réalisée par Sylvie Lévesque et Audrey Gonin, s'intéresse aux enjeux liés à l'accès aux services d'avortement au Québec. Nous présentons également cinq articles hors du dossier thématique ainsi que trois contributions dans la rubrique Échos de pratique, qui présentent différentes réalisations et réflexions dans le domaine de l'intervention.