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Mélangeant fiction et réalité, Diderot nous présente une satire de la société et dénonce l'abus religieux
La Religieuse est un roman de Denis Diderot, commencé en 1760 et publié en 1796. Le philosophe y présente comme authentiques les mémoires de soeur Suzanne, jeune religieuse forcée par sa famille à prendre le voile. Comme Le Neveu de Rameau, cette satire de moeurs mêle réel et imaginaire. Diderot s'inspire des infortunes d'une jeune femme cloîtrée contre son gré pour mystifier le marquis de Croismare, un de ses amis. Pendant des mois, il entretient avec lui une fausse correspondance où il puise la substance originelle du roman. Croyante, mais sans vocation religieuse, Suzanne prononce des voeux sous la contrainte de parents qui la rejettent.
A travers son témoignage, Diderot dépeint un univers quasi carcéral, loin de toute grâce, peuplé de femmes soumises au bon vouloir d'une hiérarchie abusive, en proie à la jalousie et la mesquinerie. Il dresse sur le vif le portrait de moniales, la figure mystique de l'abbesse de Longchamp, la Mère Sainte-Christine, méchante femme, férue de théologie, qui fait de la vie de Suzanne un calvaire, et surtout la fameuse supérieure de Sainte Eutrope, incapable de maîtriser ses désirs refoulés et qui éprouve pour Suzanne une vive attirance...
Contrepartie sombre des joyeuses tribulations de Jacques le fataliste, les malheurs de Suzanne sont autant d'arguments qui dénoncent avec vigueur la réclusion forcée, les travers d'une vie monastique et des « voeux qui heurtent la pente générale de la nature ». L'humanité et la sincérité de Suzanne font de la religieuse une héroïne profondément émouvante qui participe avec éclat à la lutte contre le cléricalisme et fait de ce superbe roman un généreux éloge de la liberté.
Amis lecteurs, pour votre plaisir, UPblisher vous offre à la fin du roman la fausse correspondance qui a conduit à l'écriture de La Religieuse. N'en perdez pas une miette !
EXTRAIT
La réponse de M. le marquis de Croismare, s'il m'en fait une, me fournira les premières lignes de ce récit. Avant que de lui écrire, j'ai voulu le connaître. C'est un homme du monde, il s'est illustré au service ; il est âgé, il a été marié ; il a une fille et deux fils qu'il aime et dont il est chéri. Il a de la naissance, des lumières, de l'esprit, de la gaieté, du goût pour les beaux-arts, et surtout de l'originalité. On m'a fait l'éloge de sa sensibilité, de son honneur et de sa probité ; et j'ai jugé par le vif intérêt qu'il a pris à mon affaire, et par tout ce qu'on m'en a dit que je ne m'étais point compromise en m'adressant à lui : mais il n'est pas à présumer qu'il se détermine à changer mon sort sans savoir qui je suis, et c'est ce motif qui me résout à vaincre mon amour-propre et ma répugnance, en entreprenant ces mémoires, où je peins une partie de mes malheurs, sans talent et sans art, avec la naïveté d'un enfant de mon âge et la franchise de mon caractère. Comme mon protecteur pourrait exiger, ou que peut-être la fantaisie me prendrait de les achever dans un temps où des faits éloignés auraient cessé d'être présents à ma mémoire, j'ai pensé que l'abrégé qui les termine, et la profonde impression qui m'en restera tant que je vivrai, suffiraient pour me les rappeler avec exactitude. -
Un roman érotique abordant tout en même temps des sujets d'actualité contemporains à l'auteur
Les Bijoux indiscrets sont un roman allégorique de Diderot, publié anonymement en 1748. Bien que rejeté par son auteur, c'est une oeuvre légère, au charme délicat et... un classique de la littérature licencieuse. Pour tromper l'ennui, un sultan, amateur de commérages, se procure auprès d'un génie un anneau magique afin de connaître les secrets galants des dames de la cour : il suffit de tourner le chaton de la bague vers une femme pour que celle-ci avoue, immédiatement, par la voix d'un de ses « bijoux », toutes les intrigues dont elle a connaissance... Pur divertissement ? S'agissant de Diderot, rien n'est moins sûr !
D'aucuns ont voulu reconnaître Louis XV et la Pompadour sous les traits du sultan et de sa favorite. D'autres ont rejeté le texte au motif qu'il s'éloignait des canons des romans philosophiques. Il reste qu'à travers les trente essais de l'anneau, l'auteur égratigne les travers de la vie à la cour, évoque la réforme du théâtre, participe à la querelle des Anciens et des Modernes et traite des questions de droit, d'économie et de philosophie sur un ton alerte mais avec profondeur ! Ainsi, le philosophe parvient-il à faire connaître des opinions et des critiques sans encourir les foudres de la censure.
Une oeuvre riche et délicieuse à savourer !
EXTRAIT
Hiaouf Zélès Tanzaï régnait depuis longtemps dans la grande Chéchianée ; et ce prince voluptueux continuait d'en faire les délices. Acajou, roi de Minutie, avait eu le sort prédit par son père. Zulmis avait vécu. Le comte de... vivait encore. Splendide, Angola, Misapouf, et quelques autres potentats des Indes et de l'Asie étaient morts subitement. Les peuples, las d'obéir à des souverains imbéciles, avaient secoué le joug de leur postérité ; et les descendants de ces monarques malheureux erraient inconnus et presque ignorés dans les provinces de leurs empires. Le petit-fils de l'illustre Shéhérazade s'était seul affermi sur le trône ; et il était obéi dans le Mogol sous le nom de Schachbaam, lorsque Mangogul naquit dans le Congo. Le trépas de plusieurs souverains fut, comme on voit, l'époque funeste de sa naissance.