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Religion & Esotérisme
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Proust du côté juif
Antoine Compagnon
- Gallimard
- Bibliothèque des Histoires
- 3 Mars 2022
- 9782072959103
Antoine Compagnon s'est livré - après son cours au Collège de France - à l'approfondissement d'un sujet qui peut paraître marginal et qui s'est révélé d'une richesse intellectuelle et humaine assez extraordinaire. Il s'agit d'un côté de ce que Proust avait de juif dans son milieu familial, et de la traduction du judaïsme dans la Recherche du temps perdu qui a pu faire dire tantôt que Proust était antisémite, tantôt qu'il était un auteur kabbaliste. À travers l'érudition incroyable et la recherche d'archives menée par Antoine Compagnon, c'est tout un milieu qui ressurgit : celui de jeunes sionistes des années 1920 qui lisent Proust, le discutent, le commentent, se l'approprient et s'en servent comme point de référence ou de polémique. C'est le cas de gens très connus comme André Spire et les auteurs de la Revue juive (qui paraissait chez Gallimard sous la direction d'Albert Cohen) ou de la Tribune juive où écrivent des gens bien connus de la maison comme Benjamin Crémieux. Proust a souvent été affublé de la fidélité à un style de rabbin, et ce milieu des premiers lecteurs juifs de Proust est illustré presqu'à chaque page de ses portraits d'hommes - pour nous devenus inconnus -, et de commentateurs comme Albert Thibaudet, Gide, Péguy, Maurois ou encore Barrès.
C'est tout un côté de Proust qui prend une dimension à laquelle on ne s'attendait pas pour un livre à paraître au début de l'année commémorant le centenaire de la mort de l'auteur ; 2021 étant déjà le 150e anniversaire de sa naissance. Forte actualité commémorative, ce double anniversaire va être marqué par trois grandes expositions (Carnavalet, Proust, un roman parisien, décembre 2021, MAHJ, Proust et les juifs, mars 2022 et BNF automne 2022). -
"Croire en Dieu est pour un homme la décision intellectuelle la plus importante de sa vie. Faire le choix de croire implique donc de le faire en connaissance de cause. Mais est-ce toujours le cas ?"
Pierre Jourde
Des milliards d'hommes croient en un être suprême. Ils adhèrent à des dogmes compliqués. Ils obéissent à des prescriptions qui réglementent leur nourriture, leur habillement, leur sexualité. Pour eux, ce qu'ils croient est absolu. Pourtant, l'existence de cet être n'est pas évidente. Il faut donc supposer que les croyants y ont réfléchi. Ils ont examiné ce qui pouvait prouver l'existence de Dieu, ont confronté ce qu'ils croient à ce que la science nous dit. En fait, on est étonné de constater que ce n'est pas le cas. On croit parce que la majorité des gens, dans son pays, dans son milieu, dans sa famille croient. Mais alors, comment une telle croyance peut-elle prétendre à l'absolu ? Est-ce qu'il ne faut pas y regarder de plus près ? -
Pour la majorité des musulmans, le Coran, parole de Dieu, est immuable. La révélation à Mahomet fut transmise, de façon directe et continue, du Prophète à ses compagnons, enfin des compagnons à l'ensemble de la communauté musulmane, de génération en génération, par voie orale puis sous forme écrite. Un processus de mémorisation par coeur a abouti, au bout de quatorze siècles, à la situation actuelle où le Coran doit être vénéré littéralement.
Mais face à la violence qui se réclame de l'islam et qui puise sa légitimation dans le Coran même, de nombreux penseurs musulmans défendent l'idée qu'un examen critique des sources et des fondements de la civilisation musulmane est nécessaire et urgent. Sensibles à la dimension contextuelle du texte coranique, ils insistent sur la portée symbolique ou partielle des prescriptions qu'il contient, par exemple sur le voile, sur l'amputation et la décapitation ou encore sur la guerre sainte. Tous font preuve d'un souci d'adaptation aux problématiques des sociétés contemporaines telles que le pluralisme religieux et les droits de l'homme, le statut de la vérité et de la violence sacrée, la libération de la femme et la défense des minorités.
Mathieu Guidère rend compte des débats en cours dans le monde musulman, et des risques auxquels s'exposent ces penseurs. -
Prenant comme point de départ des éléments nouveaux découverts sur Madani, complice de l'assassinat de Charles de Foucauld (1858-1916), et sur un certain commandant Florimond, qui l'interrogea trente ans après les faits, François Sureau tente de relire l'itinéraire de Charles de Foucauld à la lumière du dénuement extrême dans lequel il a choisi de finir ses jours au milieu du désert.
Tout entier abandonné à Dieu, n'ayant converti personne, lâché par l'institution religieuse à la fin de sa vie - c'est la radicalité de Foucauld qui intéresse François Sureau. Radicalité de cet homme qui a grandi dans une famille où dépression et folie de ses parents marquèrent profondément son enfance. Radicalité de sa vie de noceur et d'officier, qui s'oppose à l'extrême pauvreté de ses derniers jours. Radicalité de ce religieux qui s'intéresse aux tribus d'Afrique du Nord, en recueille les poèmes et la langue, quand les colons ne les considèrent que comme des ennemis. Radicalité encore de celui qui voyagea en Afrique du Nord dans un déguisement de rabbin. Radicalité enfin de sa lecture des évangiles, dont il retient la figure de Jésus, parfait anonyme à Nazareth, qui travaille de ses mains et ne prêche pas encore. Après Inigo et Le chemin des morts, François Sureau signe un nouveau récit de vie, où échecs, creux et manques valent plus que hauts faits et triomphes.
Prix Combourg-Chateaubriand 2016 -
'D'après les Évangiles, et dans sa courte vie tant cachée que publique, le Galiléen s'est rendu, sans visa ni carte d'identité, en Israël, Palestine, Jordanie, à Gaza, au Liban, en Égypte et en Syrie. Je me suis faufilé dans tous ces pays : il y faut plus qu'un passeport et des détours. Jésus pouvait traverser la mer de Génésareth, aller au-delà du Jourdain, et revenir le lendemain sur l'autre rive. Ce n'est plus possible. Aussi ce voyage d'un flâneur des deux rives n'a-t-il pu s'effectuer d'un seul trait.
C'est un pari que de refaire l'itinéraire de Jésus à travers le Proche-Orient d'aujourd'hui, pour observer comment juifs, chrétiens et musulmans vivent à présent leur foi. Les surprenantes et souvent rebutantes vérités qui se dévoilent en Terre sainte ont valeur d'avertissement. Plus qu'un voyage au bout de la haine, ce carnet de route peut servir à la connaissance du monde profane tel qu'il va. Tout à la fois témoignage, chronique et méditation, l'enquête peut dès lors se lire comme un pèlerinage au coeur de l'homme, qu'il soit croyant ou agnostique, d'ici ou de là-bas.'
Régis Debray. -
'Ne cherchez pas le passé, ne cherchez pas le futur ; le passé est évanoui, le futur n'est pas encore advenu. Mais observez ici cet objet qui est maintenant. Soyez à vous-mêmes votre propre flambeau et votre propre refuge, ne cherchez pas d'autre refuge, ne cherchez pas d'autre lumière.'
Il y a 2 500 ans, en Inde, après des années de quête spirituelle, Siddharta Gautama accède enfin à l'ultime vérité. Devenu le Bouddha - littéralement l'Éveillé -, il va dès lors enseigner à ses contemporains la voie qui permet d'échapper à la souffrance. Après sa mort, la doctrine du sage continue à se propager à travers l'Inde, avant de gagner toute l'Asie. Au XIXe siècle, les Occidentaux découvrent le bouddhisme. À leur tour, ils ne tardent pas à être touchés par l'humanisme de son message. Première religion de l'histoire de l'humanité à vocation universelle, le bouddhisme n'a rien perdu de son éclat. Mais que sait-on vraiment de l'identité de son fondateur? En étudiant le contexte politique et spirituel de l'Inde ancienne, en croisant les récits légendaires rapportés par les disciples du maître avec le fruit des recherches scientifiques, cette biographie appréhende la figure du Bouddha historique, sa vie et sa pensée. -
Juifs par les mots
Amos Oz, Fania Oz-Salzberger
- Gallimard
- Hors série Connaissance
- 30 Janvier 2014
- 9782072490484
Le judaïsme est une civilisation. Et l'une des rares civilisations à avoir laissé sa marque sur toute l'humanité. La religion est une dimension centrale de la civilisation juive, peut-être même son origine, mais cette civilisation ne peut pas être présentée comme rien de plus qu'une religion. De la source religieuse de cette civilisation se développèrent des manifestations spirituelles qui intensifièrent l'expérience vécue du religieux, la modifièrent, voire agirent en réaction contre elle : des langues, des coutumes, des styles de vie, des sensibilités caractéristiques (ou qui le furent, devrait-on peut-être dire), et une littérature, un art, des idées, des opinions. Tout ceci forme le judaïsme. La révolte et l'apostasie dans notre histoire, en particulier au cours des générations récentes, aussi. C'est un héritage vaste et profus.L'écrivain Amos Oz et l'historienne Fania Oz-Salzberger s'entretiennent avec humour et érudition de la filiation juive. Si elle n'est pas génétique peut-être est-elle géologique comme l'écrit le grand poète Yehuda Amichaï? Le peuple juif se perpétue avec des failles, des effondrements, des couches sédimentaires et de la lave incandescente, il s'agit d'un peuple dont la continuité réside dans les livres et les mots, pour se nourrir des discussions à l'origine même de sa transmission. Ce magnifique livre écrit par un père et sa fille en est un exemple saisissant.
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Dernier ouvrage publié du vivant de René Guénon, La Grande Triade se caractérise par un recours prépondérant aux traditions extrême-orientales, particulièrement celles de la Chine et, avant tout, du taoïsme, que l'auteur avait connues et dont il avait traité dès ses
premiers écrits. Toutefois, comme à son accoutumée, il y fait aussi de nombreux parallèles et rapprochements avec d'autres traditions, tant orientales qu'occidentales : hindouisme, bouddhisme, judaïsme, islam, christianisme, franc-maçonnerie, hermétisme, pythagorisme,
Fidèles d'Amour, etc. De la sorte, La Grande Triade répond clairement au propos constant de René Guénon : exposer les données de la Tradition primordiale, notamment en soulignant les convergences entre toutes les traditions authentiques. Même si, comme il le regrettait, ce livre n'eut d'abord qu'un faible écho, y compris dans les milieux qui se réclamaient de la pensée traditionnelle, l'ouvrage fit progressivement et discrètement son chemin, notamment parmi ceux qu'attirait l'Extrême-Orient. -
Ouvrage unique en son genre, Le Roi du monde représente également une étude singulière au sein même de l'oeuvre de René Guénon (1886-1951). Elle traite en effet de la constitution des "centres spirituels" régissant les religions historiques qui expriment l'ordre cosmique et "traditionnel" (au sens précis que l'auteur donne à ce terme) du monde. À travers les doctrines et symboles communs à toutes les traditions, René Guénon affirme l'existence d'une invisible autorité spirituelle qui culmine avec le "Roi du monde" et ses deux assesseurs, sommet de la hiérarchie initiatique universelle et médiateurs de la révélation originelle unique qui prend le nom de "tradition primordiale".
Loin de toute fantaisie, sur un thème difficile et qui bouscule nos habitudes intellectuelles, René Guénon nous livre ici, avec sa rigueur accoutumée, un exposé sans équivalent sur un ensemble de notions dont la compréhension engage de profonds enjeux
traditionnels.
Il est permis de penser, de surcroît, que les finalités ayant motivé la publication initiale du Roi du monde n'ont rien perdu - tout au contraire - de leur pressante actualité. -
Le présent recueil réunit tous les articles concernant le symbolisme que René Guénon n'avait pas lui-même inclus dans l'un de ses ouvrages. Il constitue la partie la plus importante de ses travaux dans ce domaine, et vient illustrer en quelque sorte la doctrine qu'il a exposée dans toute son oeuvre, tout en offrant ce qu'on pourrait appeler les moyens d'une universelle vérification dans la multitude innombrable mais concordante de données sacrées provenant des traditions les plus diverses. Malgré tout ce que l'auteur avait déjà traité en cette matière dans ses autres livres, ce volume constitue un trésor unique de science symbolique et restera comme un véritable monument de l'intellectualité sacrée.
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D'abord il y avait le langage, écrit Jean (I, 1-18). Il pense que son texte évangélique, ou les textes évangéliques tels qu'il les recentre, sont nécessaires mais suffisants pour qu'à chaque génération soit atteint le fond des coeurs. L'élan de vie hors de soi (appelé aussi amour parce que, comme le langage, il suppose quelque autre) est le mouvement même du langage et sa vertu illuminatrice. Il faut mais il suffit que, à chaque génération, ce mouvement s'avance à travers le texte évangélique au-devant du simple fond d'âme de chaque être humain.
Le livre de Jean Grosjean semble le fruit de la réflexion de tout une vie sur les mots de l'évangéliste. Il nous l'offre pour nous aider à recevoir cette illumination du langage. -
La Reconstruction de la pensée religieuse en Islam
Mohammed Iqbal
- Gallimard
- Bibliothèque des Idées
- 28 Mai 2020
- 9782072623158
La pensée de Mohammed Iqbal (1877-1938) commence à être identifiée comme une ressource majeure par la nouvelle génération des intellectuels musulmans en quête d'un Islam ouvert, capable de se repenser tout en contribuant de manière créative au débat désormais mondial sur le trajet de la sécularisation.
Iqbal, honoré au Pakistan comme un père fondateur, a été formé à Cambridge et c'est donc en anglais qu'il publie en 1934 La Reconstruction de la pensée religieuse en Islam, son livre majeur. L'ambition de celui-ci est de 'repenser le système total de l'Islam sans rompre complètement avec le passé'. À cette fin, le texte coranique est ici relu en dialogue avec les philosophes occidentaux de son temps, notamment Whitehead ou Bergson.
L'entreprise d'Iqbal n'a pas ainsi pour seul objet de tirer l'Islam de sa trop longue 'pétrification' qu'il fait remonter à la destruction de Bagdad en 1258. Il est également de répondre aux interrogations de la civilisation contemporaine dans une perspective résolument universaliste, dont il énonce clairement le programme : 'L'humanité a besoin de trois choses aujourd'hui : une interprétation spirituelle de l'univers, une émancipation spirituelle de l'individu et des principes fondamentaux de portée universelle orientant l'évolution de la société humaine sur une base spirituelle.'
Cette inspiration novatrice a valu à Mohammed Iqbal le qualificatif de 'Luther de l'islam', ce qui indique la vigueur de sa 'reconstruction', incontournable pour l'élaboration d'une pensée islamique anti-traditionaliste. De là, l'importance de mettre une telle oeuvre à la portée des lecteurs francophones, ce qui est chose faite avec cet ouvrage traduit, présenté et richement annoté par Abdennour Bidar, l'un des chefs de file en Europe de l'effort intellectuel et spirituel pour repenser l'Islam. -
"Je vous ai aimés comme le Père m'a aimé. Demeurez en mon amour. Je vous l'ai dit pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète. Mon commandement est que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés. Personne n'a de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande."
Jésus de Nazareth (né en l'an 6 ou 4 avant notre ère et mort en 31) est un Juif de Galilée grandi dans l'anonymat et mort dans l'infamie de la croix. Pendant les trois ans de son ministère public, ovationné par les foules, celui qui se dit le Fils de l'homme porte au-devant des Juifs et des nations une Parole qui fonde un monde nouveau. Pour cela, il est mis à mort, ni par les Juifs ni par les Romains, mais par ceux d'entre eux qui détenaient le pouvoir ébranlé par cette parole. Jésus de Nazareth, qu'on le croie Dieu ou pas, restera à jamais ce Verbe incarné, cette parole indémodable et incorruptible qui soutient l'univers. Ce livre tente de faire la synthèse des dernières années d'études historiques sur ce personnage et son siècle, mais aussi d'éclairer ce Jésus de l'histoire à la lumière de ce qui le constitue - sa foi, son enseignement et sa révélation de "Dieu fait homme" qui ont bouleversé l'ordre du monde. -
L'islam vit une guerre permanente qui oppose essentiellement des groupes musulmans chiites et des groupes musulmans sunnites. Mais il existe également une lutte interne à l'islam sunnite, majoritaire dans le monde, entre les sunnites de la tendance frériste (Frères musulmans) et les sunnites de la tendance salafiste (wahhabites). Cette lutte interne à l'islam est soutenue par des pays qui ont pour religion d'État l'une ou l'autre de ces tendances, qui se vit comme dans le « vrai » face aux « déviants » ou « hérétiques ».
Méconnaissant cette situation, les Occidentaux, par leurs interventions, aggravent les luttes internes, voire les importent dans leur territoire national. Lorsque sous la présidence de Nicolas Sarkozy l'alliance avec le Qatar fut privilégiée, le courant sunnite des Frères musulmans apparut « béni de Dieu » dans la perception commune des musulmans sur les deux rives de la Méditerranée. À l'inverse, lorsque, sous la présidence de François Hollande, l'alliance avec l'Arabie saoudite a été préférée, le courant salafiste de l'islam sunnite a pris le dessus dans la perception collective : à chaque changement d'alliance en politique étrangère correspond un changement de perception dans les communautés musulmanes à l'intérieur comme à l'extérieur du pays.
Mathieu Guidère articule en permanence le temps long des convictions religieuses et le temps plus court du politique et du national, l'évolution séculaire des disputes théologiques et les divisions très récentes des frontières héritées du modèle européen de l'État-nation. Le lecteur comprend ainsi pourquoi le croyant ordinaire, loin d'être un docteur en théologie, perçoit sa religion comme un marqueur culturel d'us et de coutumes ancestraux et transmis par la famille et le lignage, souvent en contradiction avec l'identité que l'État cherche à lui imposer. -
Dans cette brève et substantielle étude, l'auteur des Aperçus sur l'Initiation corrige les méprises de ceux qui n'avaient fait qu'entrevoir le sens profond de l'oeuvre dantesque, et donne une explication entièrement neuve de multiples points que les commentateurs du grand Florentin n'ont jamais pu élucider d'une façon satisfaisante. Sans avoir la prétention d'être complet sur un sujet qu'on pourrait dire inépuisable, René Guénon a jeté ainsi une clarté inattendue sur un côté qui est proprement ésotérique et initiatique dans l'oeuvre de Dante et surtout dans sa Divine Comédie. Dante fut sans doute tout autre chose que le génie littéraire qui suscite tant d'admiration, et l'on est en droit de penser que bien des choses, pour ne pas dire des trésors, restent à découvrir dans ce que René Guénon a appelé non sans raison "le testament spirituel du Moyen Âge".
Nouvelle édition établie, présentée et annotée sous l'égide de la Fondation René Guénon. -
Jean-Paul II restera le dernier "géant" de notre époque. Au cours d'un pontificat exceptionnellement long, le premier pape polonais de l'Histoire aura joué un rôle à la fois majeur et contradictoire. D'une part, contre toutes les modes, il a obstinément défendu la tradition, la liturgie, le dogme de l'Église catholique, ce qui lui vaut parfois une image conservatrice, voire réactionnaire, notamment sur le plan moral. Mais à l'aube du IIIe millénaire de l'ère chrétienne, il a surtout modernisé et "mondialisé" cette Église d'un milliard de fidèles ; il a replacé l'Homme, sa dignité et sa responsabilité, au centre du message évangélique contemporain ; sur le plan politique, il fut un des principaux acteurs de la chute du communisme en Europe et n'a cessé de se battre pour la paix et les droits de l'homme ; il a effectué quelque cent voyages apostoliques, souvent spectaculaires, y compris dans le monde musulman ; il a multiplié les rassemblements de jeunes, même dans les sociétés les plus déchristianisées comme la France ; il a spectaculairement dénoncé les fautes passées de l'Église, et a contribué à la réconcilier avec le monde juif.
Qui est donc le vrai Jean-Paul II ? Élu pape le 16 octobre 1978 à l'âge de cinquante-huit ans, Karol Wojtyla avait été tour à tour comédien, poète, journaliste, aumônier, philosophe, professeur et archevêque dans une Pologne victime successivement du nazisme et du communisme. Ce passé riche et contrasté, qui a demandé à l'auteur plusieurs années d'enquête, éclaire la personnalité et l'oeuvre d'un pape hors du commun. -
"Rien n'est tout à fait fortuit. Depuis des siècles, l'Art et la Fiction entretiennent d'intimes relations, l'un avec l'immédiateté, l'autre avec la durée. La peinture montre à voir, les romans et la poésie déchiffrent des messages. Ces quelques évocations des auteurs de chevet et des oeuvres qui ont nourri ma vie disent ma gratitude. Nous sommes leurs enfants rebelles ou soumis. J'ai vécu leurs oeuvres. Je me suis baigné sur une plage de Corfou avec Ulysse et Nausicaa, j'ai marché dans Milan avec Stendhal, été à Guéthary avec Toulet, navigué en mer de Bengale avec Conrad, retrouvé Larbaud quelque part en Europe, médité avec Braque à Varengeville, passé une journée à Manosque chez Giono et suis allé partout avec Morand. Nicolas Poussin est dans mon panthéon. Je leur dois bien quelques lettres de château."
Michel Déon réunit pour la première fois dans ce volume un florilège de ses études consacrées à ses écrivains et peintres préférés. Autant d'artistes dont il révèle, en fin lecteur et observateur, certains des traits les plus insoupçonnables de leur génie. Autant d'occasions de souligner chez eux ce qui lui importe en matière de création artistique : un certain sens de l'amour, de la vie d'aventure et de la hauteur, dont toute sa propre oeuvre est aussi traversée. -
À travers l'obscurité du ramage choral et les relents d'une ferveur de foule, Samson, malgré ses paupières d'aveugle, s'est mis à voir tourner un vol d'étourneaux au fond d'un ciel immense... Il s'est à peine aperçu que se dérobaient sous ses mains les deux piliers centraux sur lesquels elles s'étaient appuyées.
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La maison muhammadienne
Claude Addas
- Gallimard
- Bibliothèque des Sciences humaines
- 26 Mars 2015
- 9782072576935
L'amour et la vénération du Prophète sont au centre de la vie spirituelle des musulmans, dans les dévotions populaires comme dans les enseignements mystiques. Fondée sur les sources scripturaires, développée dans des milliers de poèmes et dans un immense corpus de traités savants, cette piété intense, souvent dénoncée par des oulémas qui choisissent d'y voir une atteinte au pur monothéisme, est attestée par les innombrables observations recueillies par les ethnologues, les sociologues, les voyageurs ou les journalistes.
Ces images, un regard superficiel peut n'y voir que les manifestations d'un folklore exubérant. Or, ce qu'elles montrent n'est pas une forme naïve de religion populaire. L'ouvrage de Claude Addas met en évidence le lien qui unit ces pratiques à la plus haute mystique. La foi simple des croyants perçoit spontanément ce lien, même si elle ne trouve pas les mots pour le dire dans le langage des doctes. La prophétologie qui fonde cette brûlante dévotion est décelable dès le début de l'islam. Mais ce n'est que peu à peu qu'elle trouve à se formuler dans une expression théologiquement rigoureuse. Le rôle des écrits d'Ibn Arabî, "le plus grand des maîtres spirituels", dans cette élaboration doctrinale toujours associée à l'expérience personnelle des soufis est à cet égard décisif.
La minutieuse analyse des textes fondamentaux à laquelle se livre Claude Addas se conclut par une réflexion sur la notion de famille prophétique. Le trésor mystique dont le Prophète est la source et l'interprète exemplaire a de multiples héritiers qui en assurent la garde et en perpétuent la fécondité : au-delà de la filiation charnelle, c'est la vaste tribu des saints que rassemble d'âge en âge la rayonnante "Maison muhammadienne". -
Esprit, église et monde ; de la foi critique a la foi qui agit
Joseph Moingt
- Gallimard
- Hors série Connaissance
- 1 Avril 2016
- 9782072659713
Le second tome de Croire au Dieu qui vient se propose de vérifier ce qu'il est advenu de la nouveauté évangélique en comparant l'existence des communautés dans les temps apostoliques à ce qu'elle est de nos jours sous le rapport de l'essentiel de la vie chrétienne : entrée dans l'Église par la profession de foi baptismale, célébration de la mort de Jésus par le partage du pain eucharistique, vie fraternelle selon les enseignements de l'Évangile, unité de l'Église sous la conduite des successeurs des apôtres. Tout cela est maintenu, mais compris et vécu très différemment.
Ces changements sont significatifs du tournant vers l'Ancien Testament amorcé par l'Église au IIIe siècle pour échapper aux dérives hérétiques. Alors qu'elle vivait du souvenir de Jésus dans l'attente de son retour, la foi est devenue religion, ceinte de rites purificateurs et d'interdits, le sacré a envahi la communion à l'Esprit, la tradition a refoulé le libre essor de la parole, la démarcation du sacerdoce et du laïcat a renforcé la clôture de l'Église sur le monde. La nouveauté évangélique n'en continuait pas moins à inspirer le goût de la liberté, mais plus la société se sécularisait et plus le monde se vidait de l'esprit du christianisme, au point que des mots tels Dieu, salut ou péché ont perdu tout sens pour un grand nombre de gens.
Ainsi le second parcours s'attache-t-il à repenser les visées essentielles de la foi chrétienne, en Dieu, au Christ, au salut, à l'Évangile, celles sur lesquelles tout chrétien est interrogé sous l'horizon de l'incroyance généralisée de notre temps, non pour 'convertir' son interlocuteur,
ni pour justifier (excuser!) les chrétiens d'être croyants, mais sur la base de la rationalité commune aux hommes d'aujourd'hui, à leurs critères de véracité et de vérité, dans le but de témoigner du sens de l'homme et de l'humain qu'inspire la foi chrétienne, de répondre à
leurs interrogations sur l'avenir de l'humanité, et de leur proposer une action commune pour sauver l'homme de la déshumanisation qui le menace.
Ce livre est tourné vers le futur que Jésus a ouvert au Dieu de l'homme et à son projet créateur, dégagé des liens et des ombres du passé, et l'Église est invitée à se présenter au monde dans la nouveauté, tissée de folie et de sagesse, préparée par l'Évangile depuis toujours. -
Après l'élimination de Cambyse, le lieutenant Darius est nommé roi. C'est l'hippomancie qui l'a désigné : son cheval a henni le premier. Le nouveau souverain va trouver au palais un étranger, déporté de Juda, Daniel. Cet homme, ce prophète, a déjà servi plusieurs rois comme conseiller : entre Darius et lui vont s'établir des rapports étranges. L'important, dans leur dialogue, c'est ce qui n'est pas dit. Daniel parle peu. 'Comme tu sais te dérober quand tu te confies !' lui dit Darius.
Pris au piège de ses propres décrets, Darius va être obligé de faire jeter Daniel dans la fosse aux lions. Mais on sait que les fauves royaux ont épargné le prophète. Darius retrouve avec bonheur les silences de son confident. Le roi, parfois, se montre aussi subversif que le prophète.
'... les gens sont indifférents. Peu leur importe le gouvernant, ils le méprisent. Ils n'ont pas de haine, ils pensent seulement qu'un maître n'est maître que par tromperie ou cruauté. Régner est pour eux signe d'inintelligence.'
Librement inspiré d'Hérodote et du livre de Daniel, jouant de l'anachronisme, ce récit nous apporte les renversements de perspective dont Jean Grosjean est coutumier :
'Un boeuf ne sait pas que c'est le ciel qui tire la terre en sens inverse sous ses pieds et sous le soc. -
Croire au dieu qui vient Tome 1 ; de la croyance à la foi critique
Joseph Moingt
- Gallimard
- Hors série Connaissance
- 30 Octobre 2014
- 9782072561221
La foi chrétienne a pour singularité, origine et histoire de croire en un Dieu qui a parlé aux hommes depuis toujours et qui est venu habiter parmi eux voici deux mille ans, incarné en Jésus de Nazareth, mort sur une croix et rappelé par Dieu à la vie pour conduire l'humanité à sa destinée éternelle. Mais cette révélation, reçue de la faiblesse et de la folie de la croix, dit saint Paul, est difficile à croire, et elle tombe de si haut et vient de si loin qu'elle paraît en voie de s'effacer de la culture occidentale qu'elle a si longtemps inspirée et régentée.
Ce livre revisite la tradition qui a répandu cette foi et éprouve si elle est encore capable de donner à croire que Dieu vient aux hommes du futur de notre destin.
Le nom de Dieu apparaît en toutes langues avec les premières traces de la rationalité humaine ; le dieu des Hébreux surgit lui-même du panthéon du Proche-Orient ancien avant d'être promu Dieu unique par les prophètes d'Israël ; Jésus, se disant envoyé par lui, qu'il appelle Père, le fait reconnaître Père commun de tous les hommes qui veut les réconcilier avec lui et entre eux pour en faire ses fils. Recueillant son enseignement, la tradition chrétienne proclame que Jésus est le Fils éternel de Dieu, né homme de la Vierge Marie pour régénérer l'humanité dans l'Esprit de Dieu et la conduire par l'Église à la vie éternelle.
Mais la science moderne des textes bibliques et évangéliques a creusé un fossé entre ce qu'on peut connaître avec certitude de l'histoire de Jésus et l'interprétation qui en est faite par le dogme de l'Église, dogme que l'évolution des esprits rend peu crédible à nos contemporains. Aussi, les théologiens, qui entendent respecter la vérité historique des textes et les rendre intelligibles à notre temps, se sentent obligés de repenser cette tradition en son entier sous l'éclairage d'une foi critique. Telle est l'ambition de ce livre : entreprendre une démarche de véracité et de liberté dans la
recherche du sens de la foi.
Il s'attachera dans ce but à déchiffrer le mystère qui tend à s'exprimer sous le mythe de la préexistence du Christ, idée qui est à la base de l'articulation dans le dogme des concepts de trinité, incarnation et rédemption : il s'agit en fait de la révélation de l'humanité de Dieu, comprise comme l'amour par lequel il entre en communication avec les hommes pour les libérer de leur finitude, du repli égoïste et mortifère de chacun sur soi qui les empêche de parvenir à l'unité entre eux et avec l'univers.
Un second livre, en préparation, envisagera de dire, dans un langage dépouillé de technicité, en quoi consistent la vie et la mission de l'Église, vie de communion fraternelle dans l'Esprit du Christ, mission de "salut" ou d'humanisation du monde. -
Lorsque l'organisation de l'État islamique proclame le califat en 2014, elle signe le retour d'une institution à l'histoire plus que millénaire. Le calife, à l'origine simple successeur du Prophète de l'islam, devient une figure centrale du pouvoir, avec la mise en place de plusieurs dynasties califales : les Omeyyades à Damas, les Abbassides à Bagdad, les Fatimides au Caire, les Almohades à Marrakech, les Ottomans à Istanbul.
Au fil des siècles, cette figure évolue : d'abord chef spirituel et temporel, le calife finit par n'être plus qu'un guide religieux, soumis au pouvoir d'un vizir ou d'un émir. Il subit tout à la fois la pression des oulémas et de l'armée, puis celle des puissances étrangères, avant de disparaître à l'issue de la Première Guerre mondiale.
Malgré la suppression du califat en 1924, ce rêve d'unité de la communauté musulmane est toujours présent. Il signe l'échec de l'État-nation porté par le nationalisme arabe et le retour d'un panislamisme conquérant. Loin d'être l'expression d'un fanatisme local, il apparaît aujourd'hui comme un projet mûrement réfléchi, à l'enracinement historique. -
L'islam devant la démocratie ; une possible rencontre ?
Philippe d' Iribarne
- Gallimard
- Le Débat
- 7 Mai 2013
- 9782072489402
Pourquoi les espoirs, toujours renaissants, de voir enfin la démocratie s'épanouir dans un pays musulman sont-ils sans cesse déçus? Pourquoi le pluralisme des opinions, le respect des minorités, la libre critique font-ils autant question en terre d'islam? Au-delà des accidents de l'histoire et du jeu des forces politiques, tout un rapport au monde est en cause, marqué par la fascination pour la certitude, le désir d'obtenir une unité qui sans cesse se dérobe, la crainte de la division.
Le Coran évoque à tout moment les preuves incontestables face auxquelles il n'est de choix qu'entre la soumission des croyants unanimes et le refus haineux d'infidèles honnis de Dieu. La philosophie islamique célèbre une certitude reçue d'en haut et le règne d'un bon pouvoir, loin des débats obscurs de l'agora. Le droit islamique est en quête de sources inspirées dont Dieu serait le garant.
Dans un tel univers, comment les doutes, les divisions, les tâtonnements d'une démocratie pluraliste pourraient-ils prendre sens? Comment sortir du rêve d'un pouvoir du peuple uni dans la magie du consensus? Comment ne pas rejeter ceux qui sèment le doute?
Explorer dans ses profondeurs l'univers mental de l'islam renouvelle le regard sur les impasses d'aujourd'hui et permet de mieux percevoir à quelles conditions le monde musulman pourrait se réconcilier avec la démocratie.