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ABRUPT
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Ce recueil de textes de Simone Weil, écrits entre 1936 et 1938, témoigne de son expérience de la guerre d'Espagne. Simone Weil, l'Espagnole, n'a pas hésité à se rendre à Barcelone pour soutenir, au risque de sa vie, la cause d'un peuple pour lequel elle avait une affection sincère. L'Espagne fut la terre qui vit s'affirmer la force de caractère d'une femme prête à mourir pour ses convictions, elle fut malheureusement aussi le lieu où Simone Weil découvrit les affres de la guerre civile, les dérives des mouvements révolutionnaires, la médiocrité des hommes lorsqu'ils se confrontent au pouvoir. Dans le journal de son expérience du front, au-delà de son caractère historique, un style lapidaire laisse entendre une littérature qui se place sur la brèche. Les textes qui suivent le Journal d'Espagne donnent quant à eux un certain écho à la désillusion de Simone Weil tant face à la lâcheté politique qu'à l'inhumanité de ses camarades. Ce recueil se termine sur un article plus théorique, Ne recommençons pas la guerre de Troie, qui souligne le danger de l'utilisation de termes brumeux, d'entités vides : démocratie, capitalisme, communisme, liberté, etc. Les mots n'ont pas de contenu lorsqu'ils fourvoient les peuples et les précipitent dans le sang et dans la haine. Elle rejette catégoriquement les discours abstraits qui mettent en ordre de marche. Simone Weil y oppose une volonté de déconstruire les mécaniques du pouvoir et de son corollaire, le prestige du pouvoir. En ces textes, s'exprime toute la singularité de son humanité, faite d'intransigeance et de cohérence, de raison et de nuances, qui se place invariablement du côté des classes opprimées.
Ce recueil contient les textes :
- Journal d'Espagne
- Fragment de 1936 (« Que se passe-t-il en Espagne ? »)
- Lettre à Georges Bernanos
- Réflexions pour déplaire
- Faut-il graisser les godillots ?
- La politique de neutralité et l'assistance mutuelle
- Non-intervention généralisée
- Ne recommençons pas la guerre de Troie
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1933, l'histoire bascule, Simone Weil interroge : « Allons-nous vers la révolution prolétarienne ? » Sans renoncer au combat, la philosophe déploie dans ce texte crépusculaire un pessimisme critique qui augure les ténèbres à venir. Simone Weil dissèque l'impossibilité d'émancipation face à des régimes bureaucratiques qui oppressent les masses, face à l'ouvrier broyé par la machine, cantonné à un rôle de soumission à la société. Au coeur des remous de l'époque, elle met dos à dos l'URSS de Staline et le fascisme naissant du Troisième Reich, refuse les positions trotskistes, et laisse entendre, malgré une certaine fatalité, une voie possible au travers de l'idée anarchiste de souveraineté des travailleurs, et non de celle du travail au mépris des travailleurs. Par cette organisation horizontale du travail, elle écarte l'idée de défaite, et recherche par tous les moyens possibles la lutte au nom de tout ce qui fait « la valeur de la vie humaine ».
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Suivre les pas d'Orphée, devenir son ombre, son souffle, emprunter sa voix. Aller contre la mort, à sa rencontre, tout contre. Des hautes forêts de Thrace aux marais soufreux des enfers, de la source qui enfanta Eurydice à la rive qui donna naissance à l'orphisme.
Orphée, un nom qui définit la poésie, et dont la destinée se résume au déchirement : déchirer la langue, fouiller sa déchirure, à la manière de sorciers jugeant du foie de leurs victimes, déchirer la chair, pour chercher le désir absent ou réifier ses rêves.
Initiation aux arcanes de l'intériorité, à notre propre obscurité. Formule de l'éternité qui luit sur les lamelles enfouies dans les tombes. Paroles du fond des âges qui résonnent jusqu'ici et maintenant, nous obligeant à nous retourner, à faire face à la fatalité.
Mystères : une série autour du mythe, dont le sens ne s'épuise pas, non parce qu'il serait illusoire et au final absent, mais parce qu'il est mobile et multiple. La réécriture est une résurrection. -
Entendre qui que ce soit parler "sans" le Savoir est un idéal. Ça arrive très peu et de moins en moins : on entend partout partout parler "avec" le Savoir, son petit savoir à soi ou le Grand. On est cernés par des Je-sais. Et comme notre lot commun est plutôt d'être des Sais-pas, on se demande. Qu'est-ce qui se passerait si on n'utilisait plus le Savoir pour se parler ? Si on s'en servait à propos. Depuis où parlerait-on ? Depuis le coeur, le ventre, le sexe, la simple parole ? Ce serait la fin du monde tel qu'il est. Entrer dans Parler sans le Savoir c'est entrer à la fois dans le monde tel qu'il est et dans le monde tel qu'il pourrait être mais qu'il ne sera jamais. Un lieu où la "conscience accablée de l'enfer que se font vivre les humains entre eux", travaillée comme elle l'est dans ce texte, procure en elle-même et se procure à elle-même une évasion possible. C'est une expérience unique. Le monde de Fernand Fernandez est une expérience unique où on entend à la fois ceux qui savent, ceux qui croient savoir, ceux qui ne savent rien, et ceux qui sont libérés de cette obsession : les fous les simplets les malades, mais aussi ceux qui utilisent leur parole tout autrement, parce que leur obsession s'est tournée ailleurs et qu'ils ont trouvé leur liberté propre dans leur propre parole. Si on ne les écoute pas, et avec le respect qui leur est dû, ce n'est pas dommage pour eux c'est dommage pour nous. Et s'il fallait le dire une fois de plus c'est l'occasion : les notions d'intelligence et de bêtise sont vraiment à reconsidérer, quand "la crainte d'avoir l'air bête peut développer une terrifiante bêtise au cube", et que parmi les plus belles intelligences se trouvent celles de ceux qui sont privés de parole. L'existence des voix de Fernandez-homme-orchestre qui sont à l'oeuvre au quotidien depuis des années ne dépend ni de leur publicité ni de leur publication, tant le désir de FF est autre, tant son oeuvre est à l'oeuvre - et sa force donc. FF dit qu'on peut bien lire PSLS comme on veut, y compris comme une espèce de théâtre psychique, si on n'oublie pas qu'il s'agit d'en sortir. Lui-même préfère le nommer "psyence-fiction". Et quand il dit de ce "travail perpétuel" qu'il lui reconnaît "l'ambition de se débarrasser des représentations que porte le langage et qui encombrent" en en "convoquant un maximum pour les identifier", quand il dit que "parler sans le Savoir ne signifie pas parler en ignorant, même si évidemment l'ignorance a aussi voix au chapitre, mais rebondir dans un monde d'hémorragie du langage, un monde où le langage comme vecteur du sens s'autodétruit dans la profusion et l'équivalence des points de vue, où le bavardage et le débat sont devenus une seconde nature, la forme par défaut de la conversation réelle, qui force à se réapproprier le foisonnement souvent toxique des énoncés dans un espace à soi, un espace où faire entendre ses propres voix, ce qui permet d'échapper joyeusement à la noyade", il faudrait aussi ressentir avec lui la charge de celui qui est à l'affût, et travaille à se rapprocher de ce que serait "une vie simple" - une chose très complexe pour qui se méfie du simplisme. Ce travail est un géant pacifique qui dévore lui-même tout ce qui se mange aux alentours avant de nous le rendre, et qui se fout complètement du bon ordre d'aujourd'hui, de tous les bords établis, même le hors-bord. Mais voilà aussi une occasion unique de se demander de quoi on se protège en parlant avec le Savoir ? De quoi a-t-on peur ? Qu'est devenue notre capacité au babil ? À la glossolalie ? Au simple chant ? À l'invention ? Et beaucoup, beaucoup d'autres questions qui heureusement ébranlent nos socles, puisque le frère siamois de Savoir ce n'est ni Donner ni Partager, et ça c'est un malheur terrible mais c'est Pouvoir - ce faux frère qui depuis toujours semble-t-il nous passionne par ici. (clv)
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Le cosmos n'est pas un espace dans lequel seraient contenus des objets (planètes, soleils, trous noirs), soutient l'auteur, mais une expérience en cours - une expansion vers l'inconnu. Pour appréhender cette expérience cosmologique, la philosophie doit changer de forme, de technique démonstrative, et devenir ce qu'outre-Atlantique on nomme théorie-fiction. La théorie-fiction ne mélange pas les genres, mais resculpte leur ligne de force : l'imaginaire réactive des concepts fossilisés et les concepts orientent l'imaginaire. Composé de fragments, d'aphorismes, de récits et d'enquêtes métaphysiques, Cosmos expérimental propose un voyage dans l'espace-temps où des personnages énigmatiques échangent sur l'astrophysique, la technologie, la musique, les anges, le communisme, la mort, et l'éternité.
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Tout part d'une idée simple. La Black Box Theory.
Prenez une boîte.
On sait ce qui entre, ce qui sort. Pas ce qu'il y a dedans.
Dedans, faites croire qu'il y a de la valeur. Une valeur quelconque, désirable. Pour ça, il y a des moyens. La curiosité aide.
Exagérez, au besoin, la valeur de cette valeur. N'hésitez pas à nourrir un orgueil de propriétaire, à faire des envieux. Recrutez-les, s'ils font défaut.
Mais surtout n'ouvrez pas la boîte. En aucune manière.
Ça risquerait de se voir sinon.
Il n'y a rien. -
Échappée de son impossible laboratoire spatial, Blandine Volochot est une tentative poétique d'écrire la critique fiction de deux univers mutés l'un en l'autre. Mais plutôt qu'une traduction belle infidèle des concepts et idées de Blanchot et de Volodine, Blandine Volochot est une créature rebelle s'émancipant dans son chemin poétique où, en douze chapitres, en plusieurs morts, en plusieurs amours, en péripéties et en aberrations elle se révolutionne dans tous les sens.
Lire et délire. Rêver et proposer des alternatives poétiques et critiques. Passer de l'essai à l'essaim. Satelliser la critique en fiction. Proposer des lectures comme des lignes de fuite. Ce sont autant de rayons de l'étoile désastrée qu'est Blandine Volochot. -
Fouiller la moelle ou la langue, jusqu'à mettre les nerfs à vif. Ne jamais rien y expier, mais chercher le néant pour se chercher soi-même. Décomposer les intérieurs de la parole. Et assassiner l'esprit, pour que la vie même se rétracte en un unique point d'une unique durée, et que se déploient seules « la douleur perpétuelle et l'ombre, la nuit de l'âme ».
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La Mort de Marat de Jacques-Louis David ne donne pas seulement à voir l'épisode historique de l'assassinat contre-révolutionnaire perpétré par Charlotte Corday, mais il fait aussi le portrait du peuple par le vide. La moitié supérieure du tableau, marquée par la contingence qu'offre à l'imaginaire l'absence, constitue la figure informe et mouvante des masses, dont la puissance ne saurait être saisie par la représentation, qu'elle soit picturale ou politique, sans instituer à dessein une limitation de cette puissance. Le vide devient ainsi l'énergie révolutionnaire de la non-représentation, qui organise la pleine autonomie de la potentialité populaire.
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FOURNAISE prend acte de l'épuisement du sens tel que l'Histoire des vainqueurs nous l'inflige et quête une revitalisation de l'épopée minuscule.
Cette quête ne vise pas tant ici la difficile dialectique de la pesanteur et de la grâce (le concept et sa brèche poétique) que l'hypothèse d'une véritable « indistinction du récit et de la théorie » (Adorno, Notes sur Beckett) - et cela via l'exploration des formes les plus novatrices du genre romanesque, dans leur façon de fabriquer du roman tout en en explicitant les limites.
Ainsi, en adeptes du braconnage, nous n'hésiterons guère à puiser dans certaines techniques narratives - émeute de détails, flux de conscience, style bureaucratico-documentaire - en vue de traiter sur le terrain de la recherche poétique des problématiques aussi universelles et prosaïques que la répartition des tâches ménagères, la grossesse, la paternité, la mort.
FOURNAISE est à peu près tout sauf un roman - c'est le déploiement polymorphe et balbutiant d'un presque rien auquel nous tenons - notre raison de continuer. -
Cette cartographie vise à inscrire l'oeuvre-vie de Pasolini dans les enjeux esthétiques, éthiques, sociaux et stratégiques de notre temps - et ce en la confrontant aux héritages marxistes hétérodoxes ou postmarxistes ayant infusé les nouvelles formes de radicalité dont nous sommes les contemporains. Avec Pasolini, donc, dans la confrontation heuristique de sa lucidité, de ses obsessions, de ses excès quelquefois, avec nos propres exigences de lutte pour la défense du vivant et de ses territoires. À rebours de l'eschatologie néolibérale et des impasses de la raison pétrifiée, en subvertissant l'esprit et la lettre du dogmatisme révolutionnaire, nous tenterons ici d'opposer aux nouvelles configurations sociales et culturelles du capitalisme mondialisé, à ses fausses libertés, à ses frontières bien réelles, matérielles et sémantiques, une nouvelle forme d'espérance.
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Cosmogonie est un mot rond, mais ce n'est pas un mot rétréci. Le monde y est bien plus grand que les récits qui le façonnent, mais, à bien y regarder, les cosmogonies parcourent nos heures de gestes simples, se multiplient dans l'instant de nos silences. Elles vont petites et foisonnantes à la rencontre des vies qui les contemplent.
Éloge du doute et de la nuance, l'écriture s'y jette comme le risque qui va à la brisure. De petites cosmogonies pour dire l'attention qui s'en retourne invariablement à ce qui «doit» être moindre. Cahots et soupirs y cherchent une manière d'être au monde. Le déploiement d'une cosmogonie, aussi fragile soit-elle, demeure une tentative : l'appel à faire brèche. -
De ce petit livre on pourrait dire qu'il gomme et dégomme les grands hommes, mais ce n'est pas ça. Il donne et redonne plutôt.
Il donne une place à des femmes écrasées par lesdits grands hommes et dont on ignore même les noms. Il redonne les noms de grandes femmes qui ne se sont pas laissé écraser.
Il donne de la voix aussi. Le plus loin possible de l'autorité et de la « culture-phallus ». Au plus près des êtres et de la nature-ventre. Avec. -
La tradition littéraire du tombeau paraît mal enterrée. Peut-être. Crevel, Cénotaphe en pastiche non tant la dévotion que le désir d'un portrait posthume, vivant. D'où l'idée de dresser un cénotaphe pour Crevel, cette présence indissociable du surréalisme, ce visage de sa vague de rêve mais aussi ce dandy suicidé, écrivain révolté et engagé. Dans cette brève évocation à la dérive, dans un désordre voulu pour laisser apparaître les images et les strates d'une personnalité contradictoire, Marc Verlynde fait de ce cénotaphe la représentation d'une viduité, d'un portrait du poète partout où le corps échappe. Loin de la biographie, de l'essai universitaire, Crevel, Cénotaphe est un portrait-puzzle, collage de citations ou d'emprunts, pour laisser perdurer le fantôme sensible de l'auteur de Mon corps et moi, du Clavecin de Diderot ou encore de si décisifs articles sur Dalí.
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Dalí n'est pas un rhinocéros, il est la surréalité, et la surréalité est la « réalité rendue à son devenir, réalité se dépassant elle-même et destinée à se dépasser sans cesse elle-même. L'homme qui doit, selon l'expression familière, savoir sortir de lui-même, comment y parviendrait-il, sans faire sortir les choses d'elles-mêmes ? »
Un livre double face pour se précipiter au coeur de la surréalité. Deux faces, deux textes : Dalí ou l'anti-obscurantisme et Nouvelles vues sur Dalí et l'obscurantisme. -
Ce texte en prose est une mémoire vive, une suite d'épiphanies. Sensation d'un récit qui se dessine fait de boucles, de spirales et de courbes. Non pas suites sans principes de construction mais entrelacements complexes. Couleurs, formes, collages, accidents s'inscrivent dans une dynamique du décloisonnement. Une tension entre le discontinu des fragments et le mouvement qui unifie l'ensemble, qui en détache des morceaux pour les travailler, les étudier sous tous les éclairages possibles, suspendre le cours d'une phrase, en retourner le cheminement, en déformer la logique, en fragmenter le sens, en désaccorder la syntaxe et avec elle toute linéarité, privilégiant les écarts de sens et d'images. Le texte est le montage de poèmes pris dans le réel, dont les fragments sont considérés comme surface de travail, espace à explorer.
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Écriture par anticipations. Écriture pour habitacles. Pour habiter. Un espace masqué qui se découvre en avançant. Et soi en habitacle de ce qui s'y présente. La découverte simple. Point de mire. Simple en désirs. Simple voulant dire clair, la clarté étant l'instrument de la transformation - de soi, du monde, du langage. Y remettre de l'être, et y habiter en parallèle. Et rester fidèle - habitacles sans arrêt. Avec quelque chose en plus. Plus de sens. Plus de vie. De l'air entre les pensées. De l'espace. Comme par la grâce d'une idée fixe.
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Par un jeu de collages, emprunts, détournements et liens, *Un vide, en Soi* réfléchit aux représentations du vide inventées dans la littérature contemporaine. Marc Verlynde interroge les inquiétudes qui creusent notre présent par le rapprochement de certains des aspects essentiels du vide croisés dans quelques textes marquants parus ces dernières années.
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Qatar 2010-2019: 6500 ouvriers migrants seraient morts sur les chantiers de la Coupe du monde de football. De mort naturelle selon les rapports officiels.
Qatar 2022 : finale de la Coupe du monde une semaine avant Noël. Estimation du marché télévisuel : 3,2 milliards de téléspectateurs.
La traduction, Qatar of the dead, est l'oeuvre de Bill Jenkinson. -
L'individu est métaphore flottante, brouillée. Cet essai en fait l'épreuve. Loin de collecter les preuves de ses manifestations concrètes, Marc Verlynde fait apparaître les figurations de ses évanouissements, de ses virtualités. L'épreuve de l'individu miroite alors quelques-uns des moments de cette modernité plurielle, mais aussi des instants où un individu, dans la conscience de son corps, de sa mort, de son paysage ou des images où il se rêve et se dissipe, apparaît comme une esquisse éperdue d'outrepassement. Dans une écoute des voix et emprunts littéraires (à Kafka et Blanchot, à Caillois et Steiner, à Marías et Sebald, à Baudelaire et Rimbaud, à Tolstoï et Dostoïevski...), L'épreuve de l'individu esquive les silences, les revenances, de l'impossibilité de l'individu.
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Cet essai n'est pas un poème, il n'a rien non plus du songe, il se place en l'oeil qui le lit comme une prière chamanique où retentissent des abstractions, s'enchevêtrent des concepts en un tournoiement qu'il veut sans fin. Le tutoiement distant mais aimant de ce texte à la science-fiction accompagne un appel à la transformation de la vision portée sur le réel. Il invite à la réflexion sur l'acte de bâtir, non dans sa technicité mais dans son essence mystique. Le geste qui martèle la pierre pour construire le foyer a pour le collectif Dimension Ruine l'allure d'un mantra politique. Dans cette remise en cause de ce qui nous semble anodin, la constance d'une verticale et d'une horizontale, de l'angle droit qui les réunit, se trouve un aveu de défaite des combats sociaux, un renoncement à la modernité, et dans la contemplation des gravats ontologiques d'une époque, Dimension Ruine murmure une proposition concrète : un monument sans fin. Ce bâtiment semble vouloir conquérir l'espace, il a l'apparence de la prospective, mais lance surtout un défi au lecteur : qu'est-ce que la question ? Celle sociale de l'être lorsque l'humain s'apprête à marcher vers le cosmos, quelle est-elle ?
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La poésie se fait 99 fois la glaciation en l'urbain, ses campagnes tues. 99 fois la parole qui ne dit pas comment survivre. Mais qui se promène aux alentours de ce qui empêche
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La langue de la girafe est une écologie poétique du langage, un art du moindre. Dans ce texte dont la trame se structure telle une tapisserie, l'image appartient à l'errance, elle dérive le long des mythes, interroge l'acte même du faire.
« Le monde est rempli de textes, plus ou moins intéressants ; je n'ai aucune envie de lui en ajouter un de plus. » Cet ouvrage de C. Jeanney prend au mot l'affirmation de Kenneth Goldsmith et fait oeuvre de patchwork.
C. Jeanney y a récolté les voix qui oscillaient autour d'elles, le verbe du quotidien, des paroles radiophoniques aux mots éphémères du passant, et les a assemblées en un collage de la langue.
La façon dont ces mots s'assemblent imite l'appareil photographique qui collectionne le fugace. Elle provoque l'émergence d'une sorte d'infra-sens, d'une texture narrative qui laisse surgir des messages souterrains à la langue.
Les mots sont déjà présents dans le réel, foisonnants et bariolés, le plus souvent ignorés, ils flottent insensément, et La langue de la girafe tâche de voltiger dans leur collecte protectrice. La langue s'exprime pleinement par elle-même. Elle ne souhaite pas sa réinvention, mais invite à l'infini de sa recomposition. -
« L'homme n'est pas un loup pour l'homme, il est une tombe. » L'usine ferme ses portes, et son spectacle, et ses poussières d'homme qui volettent insensément, qui se meurent souvent, renaissent en d'autres oppressions. Une prose fragmentée, sans entame ni fin, qui gratte la rouille, quête la dialectique.