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Le journal de Clémentine : Ma vie face au cancer
Clémentine Vergnaud
- Seuil
- Fiction et Cie
- 4 Octobre 2024
- 9782021575606
Un livre magnifique, un témoignage poignant, qu'on relit sans cesse pour ne pas le lâcher. Un livre porté par la sincérité, l'élan de vie et la volonté de combattre, jusqu'au bout.
À la belle saison de l’été, en juin 2022, Clémentine Vergnaud, jeune journaliste de franceinfo, apprend tout à coup qu’elle est atteinte d’une forme de cancer rare et agressive. Commence alors une lutte, avec ses doutes, ses espoirs, ses effondrements, la solitude dans l’univers hospitalier, les aides, les complicités, les incompréhensions, les impatiences, les souffrances lourdes. Elle décide de partager sa traversée de la maladie dans un podcast. Avec cette phrase qui revient comme une litanie : « Je m’appelle Clémentine, j’ai 30 ans et je me bats contre un cancer. »
Après une brève période d’espoir l’été suivant, grâce à un nouveau traitement expérimental, la maladie repart, et Clémentine décède en décembre 2023, la veille de Noël. Ses mots si justes, sa façon si envoûtante et tellement singulière de raconter son expérience, s'éteignent avec son dernier souffle.
Son compagnon devenu son mari pendant la maladie prend alors le relais pour raconter la fin.
Née en 1992, Clémentine Vergnaud, titulaire d'un diplôme de L'École publique de journalisme de Tours et de Criminologie de l'Université de Nantes, passionnée par la radio, est devenue journaliste à Radio France en 2015. Elle a ensuite officié comme journaliste web pour franceinfo, avec une appétence pour les sujets faits-divers. -
Dans toutes les histoires d’amour se rejouent les blessures de l’enfance : on guérit ou on creuse ses plaies.
Pour comprendre la nature de sa relation avec Guillaume, Clotilde Mélisse observe les souvenirs qu’elle sort de sa tête, le temps d’un voyage en train direction Heidelberg. Tandis que par la fenêtre défilent des paysages de fin du monde, Clotilde revient sur les événements saillants de son existence. La découverte de la poésie dans la bibliothèque maternelle, le féminicide parental, l’adolescence et ses pulsions suicidaires, le diagnostic posé sur sa bipolarité. Sa rencontre, dix ans plus tôt, avec Guillaume, leur lien épistolaire qui tenait de l’addiction, l’implosion de leur idylle au contact du réel.
Car Guillaume est revenu, et depuis dix-sept mois Clotilde perd la raison. Elle qui s’épanouissait au creux de son célibat voit son cœur et son âme ravagés par la résurgence de cet amour impossible. La décennie passée ne change en rien la donne : Guillaume est toujours gay, et qui plus est en couple. Aussi Clotilde espère, au gré des arrêts de gare, trouver une solution d’ici le terminus. -
Dans ce « roman sans fiction », Patrick Deville revient sur le territoire de sa naissance, Saint-Nazaire et ses environs. Il y a l’ancien lazaret de Mindin où l’auteur a passé son enfance ; il y a le pont en S suspendu à soixante mètres au-dessus des flots et dont il a vécu l’apparition et les effets sur la perception de l’espace ; il y a les chantiers navals où furent construits le Normandie, le France, et tant d’autres paquebots comme le Queen Mary 2.
On navigue entre le présent et la profondeur du temps, depuis la fondation du port en 1860 jusqu’à nos jours.
Saint-Nazaire est la métaphore des rêves d’aventure, des départs, des exils, mais aussi un havre de paix et d’accueil face à la mer et ses forces parfois déchaînées. -
Liwa Ekimakingaï a passé son enfance et continue d’habiter chez sa grand-mère, Mâ Lembé, car sa mère, Albertine, est morte en lui donnant la vie. Il est employé comme cuisinier à l’hôtel Victory Palace de Pointe-Noire. Et il attend de rencontrer l’amour. Un soir de 15 août où l’on fête l’indépendance du pays, il réunit ses plus beaux atours à peine achetés l’après-midi, et assez extravagants, pour aller en boîte. Au bord de la piste de danse, la belle Adeline semble inatteignable. Pourtant, elle accepte ses avances, sans toutefois se compromettre. Elle signera sa fin…
Le roman est une remontée dans la vie et les dernières heures du jeune homme, qui assiste à sa propre veillée funèbre de quatre jours et à son enterrement. Aussitôt enseveli, il ressort de sa tombe. Pour se venger ?
En toile de fond, la ville de Pointe-Noire et ses cimetières – en particulier le Cimetière des Riches, où tout le monde rêverait d’avoir une sépulture mais où les places sont très chères, et celui dit Frère-Lachaise, pour le tout-venant dont Liwa fait partie.
Dans ce grand roman social, politique et visionnaire, la lutte des classes se poursuit jusque dans le royaume des morts, où ceux-ci sont d’ailleurs étrangement vivants. -
Leïla, Tarek et Saïd grandissent dans un village de l’est de l’Algérie, au début des années 1920. La première, mariée très jeune contre son gré, décide de se séparer et retourne chez ses parents, avec son fils, dans la réprobation générale. Tarek est un berger timide et discret. Saïd, lui, vient d’une famille plus aisée et poursuit des études à l’étranger. Tous deux sont secrètement amoureux de Leïla.
La Seconde Guerre mondiale envoie les hommes au front, ils se perdent de vue. Saïd devient un homme de lettres. Tarek, rentré au village, épouse Leïla et adopte l’enfant. Trois filles suivront. Bientôt il rejoint la lutte pour l’indépendance, puis participe au grand tournage de La Bataille d’Alger, avant de partir travailler dans une usine, en région parisienne. Par une suite de hasards inattendus, il se retrouve gardien d’une magnifique villa à Rome, temps suspendu dans une trajectoire tourmentée.
Leïla, elle, connaît la vie des femmes rurales de cette époque. Cantonnée dans l’éducation des enfants et les tâches ménagères, elle décide d’apprendre à lire et à écrire.
Mais la publication du premier roman de Saïd vient bouleverser la vie du couple. Tarek doit rentrer au plus vite.
À travers les destins croisés de trois personnages, Kaouther Adimi dresse une grande fresque de l’Algérie, sur un siècle ou presque, de la colonisation à la lutte pour l’indépendance, jusqu’à l’été 1992, au moment où le pays bascule dans la guerre civile. -
Un élève officier de l'armée austro-hongroise, aspirant écrivain, adresse ses tentatives poétiques à Rainer Maria Rilke et sollicite son avis. De 1903 à 1908, en quelque dix lettres, le jeune homme, alors à la croisée des chemins, hésitant entre la voie toute tracée de la carrière militaire et la solitude aventureuse de la vie d'écrivain, confie à son aîné admiré ses doutes, ses souffrances, ses émois sentimentaux, ses interrogations sur l'amour et la sexualité, sa difficulté de créer et d'exister. Le poète lui répond. Une correspondance s'engage. Refusant d'emblée le rôle de critique, Rilke ne dira rien sur ses vers, mais il exposera ce qu'implique pour lui le fait d'écrire, de vivre en poète et de vivre tout court.
Publié pour la première fois dans son intégralité, cet échange intime ne permet pas seulement de découvrir enfin le contrechamp de lettres qui furent le bréviaire de générations entières, il donne au texte de Rilke une puissance et une portée nouvelles, et invite à repenser la radicalité de son engagement esthétique, mais aussi la modernité frappante de sa vision de la femme.
Édition établie par Erich Unglaub. -
Journal d'Arizona et du Mexique (janvier-juin 1982)
Chantal Thomas
- Seuil
- Fiction et Cie
- 3 Mai 2024
- 9782021561258
Installée à New York au début des années 80, Chantal Thomas reçoit l'invitation d'aller enseigner la langue et la littérature française à l'Université de l'Arizona, à Tucson. Au milieu du désert et dans un dépaysement total, elle pratique avec humour l'apprentissage des codes locaux tout en s'adonnant aux plaisirs de la vie, l'amitié, le vin, la tequila, des nuits étoilées, quelques amants fugitifs, une bagnole pour explorer.
L'université lui propose de rester. Un choix trop décisif. Avant de rentrer en France, elle fait un détour par le Mexique : nouveau dépaysement, nouvelles rencontres, nouvelles éclipses. Décidément, Chantal Thomas n'est pas faite pour se fixer. Elle repassera par Tucson pour une joyeuse cérémonie des adieux."J'ai eu envie de relire mon journal de Tucson et du Mexique, d'ouvrir mon cahier d'un printemps au désert, de laisser advenir, entre les mots, images et sensations. Curieusement, tout m'est apparut dans la fraîcheur d'un présent, ou d'une fleur de cactus. Alors, j'ai pensé que ces pages pouvaient être partagées."Une magnifique envie de liberté et d'échappée, qui se dévore dans un enchantement continu. -
Les deux héros de ce « roman sans fiction » semblent avoir vécu plusieurs existences. Le jeune avocat londonien Mohandas Gandhi en redingote noire et chapeau haut-de-forme devint l’infatigable marcheur vêtu de drap blanc, tandis que Pandurang Khankhoje, lui aussi militant indépendantiste indien, bourlingua un peu partout dans le monde, du Japon à la Californie, combattant révolutionnaire au Moyen-Orient pendant la Première Guerre mondiale, par la suite exilé au Mexique et proche de la petite bande de Diego Rivera et de Frida Kahlo. Il deviendra alors un scientifique célèbre, mènera des recherches en agronomie comme Alexandre Yersin, le personnage principal de Peste & Choléra venu en Inde lors de la grande épidémie de peste.
Le« samsara » définit la grande roue des vies successives à travers la réincarnation. Et c’est bien dans une grande roue que nous entraîne Patrick Deville dans ce nouveau roman, vaste fresque peinte tambour battant, sur un rythme haletant, de l’Inde coloniale puis indépendante, à travers les deux figures fil rouge de Gandhi le pacifiste, et plus encore de Khankhoje le révolutionnaire cosmopolite.
C’est pendant une autre épidémie, récente, que le narrateur parcourt un pays devenu le plus peuplé du monde, depuis les contreforts de l’Himalaya jusqu’à la pointe extrême du sous-continent, à Kanyakumari au sud du Tamil Nadu. Il rencontre des historiens et des géographes, des écrivains et des étudiants, et grâce à eux essaie de comprendre un peu l’histoire des bouleversements souvent terribles qui se sont enchaînés, depuis l’installation du Raj britannique à Calcutta dans les années 1860 jusqu’à nos jours. -
« Au milieu des volutes et des rires d'une boîte de nuit parisienne, le regard d'un homme inconnu, puis ses doigts se collent à ton corps. Tu voudrais partir, te détacher, mais tu restes immobile et muette. " Tu viens d'où ? " sont les premiers mots qu'il prononce. Les métisses, ça l'excite, il ajoute. Dans l'espace clos et aveugle du fumoir, les mots fuient, ta fierté aussi. Celle qui auréolait ton histoire familiale éclatée entre le Niger, l'Argentine, l'Algérie et la France. L'agresseur du fumoir et d'autres avant lui, d'autres après lui, salissent, ternissent ton amour pour le récit de tes origines familiales. Souillé par leurs bouches, tu n'en veux plus. Tu voudrais presque l'occulter en même temps que l'agression, le recouvrir du voile bleu de l'oubli. Le bleu est doux, le bleu plaît, le bleu n'abîme pas. Recouvrir de bleu ce corps érotisé, ce corps exotisé et l'histoire qui va avec. »
A. S.Anouk Schavelzon est née en 1998 à Paris et y vit toujours. Après des études littéraires et théâtrales, elle choisit de se concentrer sur sa propre pratique de l'écriture. Elle est membre du collectif « La Textape », qui organise régulièrement une scène ouverte aux Lilas. Le bleu n'abîme pas est son premier roman. -
Adélaïde vient de rompre, après des années de vie commune. Alors qu’elle s’élance sur le marché de l’amour, elle découvre avec effroi qu’avoir quarante-six ans est un puissant facteur de décote à la bourse des sentiments. Obnubilée par l’idée de rencontrer un homme et de l’épouser au plus vite, elle culpabilise de ne pas gérer sa solitude comme une vraie féministe le devrait. Entourée de ses amies elles-mêmes empêtrées dans leur crise existentielle, elle tente d’apprivoiser le célibat, tout en effectuant au mieux son travail dans une grande maison d’édition. En seconde partie de vie, une femme seule fait ce qu’elle peut. Les statistiques tournent dans sa tête et ne parlent pas en sa faveur : « Il y a plus de femmes que d’hommes, et ils meurent en premier. »
À l’heure de #metoo, Chloé Delaume écrit un roman drôle, poignant, et porté par une écriture magnifique. -
Il existe depuis toujours des Journaux de voyage, de rêve, de deuil, mais pas de nage. Pourtant, quoi de plus fragile et puissant, éphémère et total, sensuel et inspirant que le plaisir du bain ? En tenant le Journal de son été 2021 à Nice, Chantal Thomas innove, et poursuit l’entreprise paradoxale entamée avec Souvenirs de la marée basse, portrait de sa mère en nageuse : doter d’une mémoire ce qui, se traçant sur l’eau, se jouant dans un effet de lumière, est voué à l’effacement.
« Comme sont loin de moi par exemple les muscles de mes bras. » Cette phrase de Kafka, véritable fil conducteur, a été le déclic à partir duquel il lui a semblé essentiel, au sortir du confinement, de célébrer le chemin flottant d’un retour à soi, d’une harmonie retrouvée avec son corps et avec le monde. -
Tombeaux : autobiographie de ma famille
Annette Wieviorka
- Seuil
- Fiction et Cie
- 2 Septembre 2022
- 9782021478198
Lors du décès d'une tante sans descendance, Annette Wieviorka réfléchit aux traces laissées par tous les êtres disparus qui constituent sa famille, une famille juive malmenée par l'Histoire. Il y a le côté Wieviorka et le côté Perelman. Wolf, l'intellectuel yiddish précaire, et Chaskiel, le tailleur taiseux. L'un écrit, l'autre coud. Ils sont arrivés à Paris au début des années 1920, en provenance de Pologne. Leurs femmes, Hawa et Guitele, assument la vie matérielle et celle de leurs enfants.
Dans un récit en forme de tombeaux de papier qui font oeuvre de sépultures, l'historienne adopte un ton personnel, voire intime, et plonge dans les archives, les généalogies, les souvenirs directs ou indirects. Par ces vies et ces destins recueillis, on traverse un siècle cabossé, puis tragique : d'abord la difficile installation de ces immigrés, la pauvreté, les années politiques, l'engagement communiste ou socialiste, le rapport complexe à la religion et à la judéité, puis la guerre, les rafles, la fuite ou la déportation - Paris, Nice, la Suisse, Auschwitz - et enfin, pour certains, le difficile retour à la vie marqué par un autre drame.
Tout l'art consiste ici à placer le lecteur à hauteur d'hommes et de femmes désireux de bonheur, de joie, de liberté, bientôt confrontés à l'impensable, à l'imprévisible, sans certitudes ni connaissances fiables au moment de faire des choix pourtant décisifs. C'est ainsi que des personnages très attachants et un monde disparu retrouvent vie, par la grâce d'une écriture sensible et précise.Directrice de recherche honoraire au CNRS, Annette Wieviorka est une spécialiste mondialement reconnue de l'histoire de la Shoah. Elle a notamment publié au Seuil Auschwitz expliqué à ma fille (1999), 1945. La Découverte (2015) et récemment, aux éditions Stock, Mes années chinoises (2021). -
Lucie a 6 ans quand elle se laisse entraîner vers le fond d'un bassin, avant d'être rattrapée in extremis par une main d'adulte.
À 9 ans, elle est repérée comme excellente nageuse par sa professeure d'éducation physique.
À 11 ans, elle s'inscrit dans un club et découvre la compétition et son rythme accaparant.
Elle rencontre Anaïs. Les deux amies enchaînent les entraînements et les concours, solidaires et enjouées.
Anaïs Bellis est crawleuse, habitée par l'esprit de la gagne.
Lucie Mandel est dossiste, pas vraiment obsédée par les résultats. Un été, elles se retrouvent dans un centre de préparation pour les championnats de France. Lors d'une chute dans un couloir, Lucie se fait une entorse à la cheville. Comment est-ce arrivé ? Défaillance ? Et si Anaïs l'avait poussée ? En tout cas, diminuée, elle rate complètement sa course et arrive dernière.
Quelques années plus tard, les deux amies séjournent sur la côte atlantique, à Hendaye. Elles partent se baigner dans une eau à 14 degrés. Il faudrait sortir, ce que fait raisonnablement Lucie, tandis qu'Anaïs s'y refuse.
Accident ? L'inspecteur Aulnes nourrit des soupçons. Il ouvre une enquête.
Née en 1964 à Paris, Christine Barthe a été psychothérapeute. Son premier livre, Que va-t-on faire de Knut Hamsun ?, a paru en 2018 chez Robert Laffont. -
Compléments à la théorie sexuelle et sur l'amour
Pascal Quignard
- Seuil
- Fiction et Cie
- 5 Janvier 2024
- 9782021549508
« Naissant, ne parlant pas, sans force, projeté dans les airs, nu, pleurant, surgissant dans l'orée du soleil... » Qu'est-ce que les anciens Romains entendaient par enfance ? Pourquoi, chez les anciens Grecs, le premier des dieux est-il Chaos, avant même le ciel et la nuit ? Qu'est-ce que le sommeil ? Qu'est-ce qu'une énigme ? Que veut dire Tirésias dans sa réponse alambiquée sur l'immense plaisir que ressentent les femmes ? Quelle est l'origine du mot sex ? Qu'est-ce qu'un fantôme ? Une sirène ? La Lorelei ? Psychè ? Hérô ? Comment la vie intra-utérine se prolonge-t-elle dans la vie atmosphérique sans y trouver de fin ? Pourquoi l'expérience humaine serait-elle bornée par le langage alors qu'il lui a fallu l'apprendre ? En quoi son destin serait-il voué à la vie en société ?
Pascal Quignard est né en 1948 à Verneuil-sur-Avre (France). Il vit à Paris. Il a écrit entre autres Vie secrète, Le sexe et l'effroi, La nuit sexuelle, Angoisse et beauté, L'amour conjugal, Dans ce jardin qu'on aimait, L'amour la mer, Les Heures heureuses. -
Un ballet de lépreux : Un roman et des nouvelles
Léonard Cohen
- Seuil
- Fiction et Cie
- 9 Février 2024
- 9782021532517
Un homme habite seul une pension à Montréal où son amie Marylin vient régulièrement dans sa chambre exiguë lui faire l’amour et déclamer des poèmes. À la suite de l’appel téléphonique d’un inconnu, il est amené à accueillir son grand-père arrivé de New York, qu’il ne connaissait pas, mais dont la ressemblance avec son père est indéniable. Le vieil homme, à l’accent épais, se montre facétieux, caractériel, malpoli, agressif, imprévisible. Il entame une histoire débridée avec la logeuse de la pension. Mais le narrateur éprouve immédiatement un véritable attachement pour lui. Dans le même temps, il promet le mariage à Marylin puis, avec cruauté, se dédie.
Retourné chercher à la gare la valise égarée de son grand-père, notre héros surprend l’employé du service des réclamations, au visage difforme, en délicate posture ; il va alors harceler cet individu, et l’humilier en devenant, par pure perversité, l’amant de sa femme. Et tout à coup, une question l’assaille : l’homme venu bousculer sa vie est-il vraiment son grand-père ?
En dix-sept chapitres denses, Leonard Cohen réussit un bref roman en forme de fable kafkaïenne, dans un décor qui fait penser à certains romans de Bernard Malamud ou de Saul Bellow. C’est en fait surtout une voix singulière, qui a déjà tout pour s’imposer. Un bonheur de lecture, tout comme les nouvelles qui accompagnent cette édition posthume et bénie.
Traduit de l’anglais (Canada) par Nicolas Richard -
La fin des années 1970 est difficile pour Leonard Cohen. Deuil de sa mère, séparation d'avec la mère de ses enfants, approche de la cinquantaine. Il opère alors un retour au judaïsme et explore sa relation à l'Éternel, tout en se méfiant de toute religion qui prétendrait à l'exclusivité.
L'écriture des psaumes l'amène à « renoncer à sa petite volonté » pour entrer dans un dessein plus grand, beaucoup plus grand, qui permet une réunification de l'être en réparant ce qui a été brisé. Il se sauve ainsi du désespoir, et souhaite que ses psaumes en fassent autant pour ses lecteurs.
Les psaumes contemporains de Book of Mercy (Livre de la Miséricorde) chantent la plainte humaine et passionnée d'un homme à son Créateur. Ancrés au coeur du monde moderne, ces poèmes résonnent avec une tradition de dévotion plus ancienne, biblique notamment.
Édition, avant-propos et traduction de l'anglais (Canada) par Alexandra Pleshoyano. -
Le brave soldat Sam ne dispose plus que de quelques fractions de secondes avant d’être enveloppé par les flammes d’une vague de napalm qui se précipite sur lui. C’est l’occasion de s’inventer en urgence une biographie et de se raconter des histoires. Il s’entoure alors de personnages féminins hauts en couleur : des grand-mères centenaires qui dirigent le clan, des cousines à la volupté épanouie, et surtout des tantes sorcières, jeunes femmes attirantes, sexuellement désinvoltes, qui tiennent à lui enseigner comment vivre dans le feu. Elles lui donnent des « leçons de feu » au cours desquelles il doit apprendre à rester indifférent au brasier qui va le transformer en torche, et aux bizarreries oniriques des derniers instants…
Il aimerait poursuivre à jamais une vie à l’air libre, être bandit, échapper à la garde nationale, multiplier chevauchées et aventures amoureuses. Mais l’idée des flammes est là. Et elle le rattrape. Cependant il ne manque pas de souvenirs imaginaires pour la repousser encore et encore.
Une œuvre monumentale s’est construite, sous des noms d’auteur divers (Lutz Bassmann, Manuela Draeger, Elli Kronauer, etc.), qui s’arrêtera au nombre prédéterminé de 49 livres. 22 sont signés Antoine Volodine, dont celui-ci, qui est le dernier. Parfaitement autonome, et porté par une étrange drôlerie agissant dans la noirceur des temps, Vivre dans le feu clôt une entreprise littéraire majeure et mondialement saluée. C’est un événement en soi. -
Prix Les Inrockuptibles Essai 2020
De mai à juillet 2019 se tient le procès France Télécom - Orange. Sept dirigeants sont accusés d'avoir organisé la maltraitance de leurs salariés. Parfois jusqu'à la mort.
On les interroge longuement, leur fait expliquer beaucoup. Rien à faire : ils ne voient pas le problème. Le P-DG a un seul regret : " Cette histoire de suicides, c'est terrible, ils ont gâché la fête. "
Il y avait donc une fête ? Parlons-nous la même langue ? -
En 1721, Philippe d'Orléans est Régent de France. L'exercice du pouvoir est agréable, il y prend goût. Surgit alors dans sa tête une idée de génie : proposer à Philippe V d'Espagne un mariage entre Louis XV, âgé de onze ans, et la très jeune infante, Anna Maria Victoria, âgée de quatre ans - qui ne pourra donc enfanter qu'une décennie plus tard... Et il ne s'arrête pas là : il propose aussi de donner sa fille, Mlle de Montpensier, comme épouse au jeune prince des Asturies, futur héritier du trône d'Espagne, pour renforcer ses positions et consolider la fin du conflit avec le grand voisin.La réaction à Madrid est enthousiaste, et les choses se mettent vite en place. L'échange des princesses a lieu début 1722, en grande pompe, sur une petite île au milieu de la Bidassoa, la rivière qui fait office de frontière entre les deux royaumes. Tout pourrait aller pour le mieux. Mais rien ne marchera comme prévu...
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La Polynésie se décline en un poudroiement d’îles, atolls et archipels, sur des milliers de kilomètres, mais en fin de compte un ensemble de terres émergées assez réduit : toutes réunies, elles ne feraient pas même la surface de la Corse. Et ce territoire, c’est le Fenua.
Comme toujours chez Deville, le roman foisonne d’histoires, de rencontres et de voyages. On déambule, on rêve. On découvre les conflits impérialistes et coloniaux qui opposèrent la France et l’Angleterre, on croise Bougainville, Stevenson, Melville, puis Pierre Loti sur les traces de son frère Gustave, ou Victor Segalen et Gauguin, le peintre qui a fixé notre imaginaire de cette partie du monde, entre douceur lascive et sauvagerie. Des îles merveilleuses qui deviendront, vers le milieu du xxe siècle, le terrain privilégié d’essais nucléaires dont le plus sûr effet aura peut-être été de susciter un désir d’indépendance… -
Le pari de ce livre est de constituer le poème comme une forme entière et autonome, à distance des marges et des formats où il est le plus souvent relégué.
Il en passe pour cela par des formes d’écriture qui ne relèvent pas directement de ce qu’on a le réflexe d’associer à la poésie : notes de voyage, mode didactique ou narratif, réflexions sur le temps ou sur le langage, souvenirs, tout contribue à le relancer.
L’idée est celle d’une phrase émancipée dont le poème, agissant comme le récit de son recommencement perpétué, serait l’agent.
Rien de formel à cela, au contraire : ce livre qui se laisse traverser par de nombreux pays (et par leurs langues) est d’abord une longue exploration du sensible et, via tout un travail sur la résonance, une lecture des traces que l’Histoire laisse sur lui.
Temps réel, qui court sur vingt-cinq ans, s’inscrit dans le sillage de Basse continue, publié dans « Fiction & Cie » en 2000, et cherche à donner corps à ce qu’indiquèrent les titres d’essais comme La Fin de l’hymne (1991) ou L’Élargissement du poème (2015). -
En 2024, les Jeux Olympiques se déroulent à Paris. Et ce sont les 120 du Bloomsday (la journée du 16 juin 1904 dans Ulysse de James Joyce), qui tombe cette année le dimanche de la fête des Pères.Dans ce roman collectif, un nouveau Leopold Bloom du nom de Joseph Omer arpente un territoire de l'errance qui se situe dans la partie nord de la ville - du Tribunal de Paris, porte de Clichy, à la Villette, en passant par le quartier de la Goutte-d'Or, la gare Saint-Lazare - pour remonter vers Drancy, ou au Stade de France, ou encore à la basilique-cathédrale et sur l'île de Saint-Denis.On retrouve quelques grandes figures de l'Odyssée (les Lestrygons, Charybde et Scylla, les Sirènes, le Cyclope, Nausicaa, Circé). Mais aussi un cheval de Troie, le retour à Ithaque, Pénélope, et la vengeance d'Ulysse. Tout cela est donc acclimaté, dans un double clin d'oeil à Homère et Joyce.Un livre athlétique, peuplé et embarqué et certainement protégé, aussi, par une lointaine Athéna qui souffle à Télémaque : "Il est temps ! L'équipage t'attend. En route ! Il ne faut plus différer ton départ."Bernard Comment, Chloé Delaume, Christophe Fiat, Laure Gauthier, Nicolas Idier, Maylis de Kerangal, James Noël, Marie de Quatrebarbes, Nicolas Richard, Tiphaine Samoyault, Anouk Schavelzon, Laura Vazquez.
Avec les contributions artistiques d'Anthony Audebert, Thomas Hirschhorn, Regine Kolle. -
Il se pourrait qu’une vie ne se dise qu’à partir du moment où l’on a dit les autres. Et peut-être s’est-on ainsi davantage révélé qu’en racontant les frasques d’une existence – voire tous ses hauts faits.
Composer un autoportrait, aujourd’hui, ce pourrait donc bien être abandonner le « Je », et s’essayer à sentir ce qu’il reste une fois qu’on l’a laissé de côté. Assumer que soi, c’est d’abord les autres, et que la lentille de perception des autres pourrait bien être le moi. Non pas tant le récit, mais l’exposition des relations : assumer que l’on existe essentiellement dans les interstices, et non dans l’affirmation brutale d’une parole.
C’est ainsi qu’il faut vivre. En assumant ce caractère liquide, il devient possible de se réinventer sans cesse, de croire toujours au miracle qui surviendra le lendemain. Le Je, c’est le texte qui fait glisser les figures les unes vers les autres et les unit, alors que, sans le texte, sans le Je, rien ne les aurait réunies. Tel est le miracle des rencontres. -
L'invention de Paris ; il n'y a pas de pas perdus
Eric Hazan
- Seuil
- Fiction et Cie
- 1 Octobre 2009
- 9782021010343
Places royales et faubourgs brumeux, enceintes, barricades et passages, c'est la trame serrée des quartiers parisiens qui organise cette déambulation proposée aux flâneurs des rues et des livres.
On y voit naître, au rythme des enceintes successives, l'éclairage public, l'enfermement des pauvres et des fous, le numérotage des maisons, les terrasses des cafés et la police de proximité. Du Marais des Précieuses au XIe arrondissement des "branchés", on assiste aux migrations de la mode, à l'apparition de microvilles dans la ville, celles de Scarron, de Des Grieux, de Desmoulins, de Rubempré et de l'autre Lucien, Leuwen, celles de Gavroche, de Baudelaire et de Manet, d'Apollinaire, celles encore de Nadja, de Doisneau ou d'Anna Karina.
Mais les vrais héros du livre, ce sont des anonymes, les architectes du désordre qui, de génération en génération, se sont transmis l'art d'empiler les magiques pavés, au faubourg Saint-Antoine en prairial an III, au cloître Saint-Merri en juin 1832, au clos Saint-Lazare en juin 1848, à Belleville en mai 1871, au quartier Latin en mai 1968, démontrant chaque fois - et plaignons ceux qui croient la série close - la force de rupture de Paris.