Un petit paysan qui n'avait jamais quitté son village se retrouve un jour enfant de troupe. Dans ce récit, il relate ce que fut sa seconde année de jeune militaire, une année de découverte et de bouleversements, qui le verra mourir à son enfance et s'éveiller à des réalités et des énigmes dont il ignorait tout. La faim, le froid, les bagarres, son avide besoin d'affection, l'admiration qu'il voue à son chef de section, sa passion pour la boxe, les sévices que les anciens font subir aux bleus, la découverte de l'amour avec la femme de son chef, le sadisme de certains sous-officiers, la nostalgie qu'il a de son village, de sa chienne et de ses vaches, ses quinze jours de cachot, son renvoi de l'école puis sa réintégration, la hantise de mourir à dix-huit ans, là-bas, dans ces rizières où la guerre fait rage..., c'est le récit d'une entrée en adolescence, avec ses révoltes et sa détresse, ses déchirements et ses ferveurs.
Quoi de neuf sur la guerre? En principe rien, puisqu'elle est finie. Nous sommes en 1945-1946, dans un atelier de confection pour dames de la rue de Turenne, à Paris. Il y a là M. Albert, le patron, et sa femme, Léa. Leurs enfants, Raphaël et Betty. Léon, le presseur. Les mécaniciens, Maurice, rescapé d'Auschwitz et Charles dont la femme et les enfants ne sont pas revenus. Et les finisseuses, Mme Paulette, Mme Andrée, Jacqueline. Et il y a l'histoire de leurs relations et de leur prétention au bonheur. Dans l'atelier de M. Albert, on ne parle pas vraiment de la guerre. On tourne seulement autour même si parfois, sans prévenir, elle fait irruption. Alors les rires et les larmes se heurtent sans que l'on sache jamais qui l'emporte. Alors, «ceux qui ont une idée juste de la vie» proposent simplement un café ou un verre de thé avec, au fond, un peu de confiture de fraises. 1981-1982. Le journal intime de Raphaël, alors qu'en France progressent les activités antisémites. Trente-cinq ans après, quoi de neuf sur la guerre? Rien de neuf sur la guerre. Parce que, comme le disait M. Albert en 1945 : «Les larmes c'est le seul stock qui ne s'épuise jamais.»
C'est un petit paysan, un enfant sensible, attachant, dont on ignore le nom. Il découvre le monde des adultes, la vie, la peur, la tendresse. Il se livre à ses premières expériences, douces-amères, ou tragiques. Enfant de troupe, il connaît la solitude, l'ennui, la cruauté de certains chefs mais aussi l'amitié. Plus tard, avec le retour à la vie civile, c'est une autre solitude, une autre forme d'ennui et de désespoir. Mais il y aura cette ouverture, cette lumière possible que suggère une rencontre inattendue.
Écrit tantôt sous forme de notes et de fragments plus ou moins développés, tantôt sous forme de récits, L'Inattendu est l'épilogue, longtemps après, de L'Année de l'éveil.
Un homme parle à des animaux, c'est-à-dire à des êtres sans réponse. Il prononce Le Discours aux animaux qui est une suite de douze «promenades», une navigation dans l'intérieur - c'est-à-dire d'abord dans sa langue et dans ses mots. Un homme parle à des animaux et ainsi il leur parle des choses dont on ne parle pas : de ce que nous vivons, par exemple, quand nous sommes portés à nos extrêmes, écartelés, dans la plus grande obscurité et pas loin d'une lumière, sans mots et proches d'un dénouement. Les autres siècles appelaient ça «crise intérieure», le nôtre «dépression». Valère Novarina pense que c'est un état très nécessaire, très salutaire, à ne pas soigner : l'homme a encore beaucoup à se parler à lui-même...
C'est en Corrèze, sur le plateau de Millevaches, l'histoire de la famille Pythre, une histoire qui va de la fin du siècle dernier à nos jours. Au commencement, il y a André Pythre qui arrive un soir au village, venu d'un canton voisin, le bout du monde, avec une demi-idiote, sa femme ou sa domestique, on ne sait. André Pythre est un personnage hors du commun, taciturne et mélancolique, en qui semblent se résumer des siècles de privations et d'entêtement à survivre en même temps qu'une volonté féroce de s'en sortir, d'échapper au nom impossible, au granit, à l'eau, au ciel trop bleu, à la jalousie des autres, à cette terre noire et froide qu'il faut disputer aux genêts, aux ajoncs, à la pierre. Mais comment vaincre la «maudissure» qui vous suit, vous et les vôtres, depuis si longtemps, comment vaincre ce qui gît en vous-même et vous entraîne vers le silence et la nuit?
Selon la mythologie, le fleuve grec Alphée, amoureux de la nymphe Aréthuse, traverse la Méditerranée et redevient fleuve en Sicile. Pour Roger Caillois, 'les hommes, eux-mêmes, passent ainsi par des pertes souvent durables, et en resurgissent ensuite, recouvrant mystérieusement, souvent à la fin de leur vie, leur paysage premier... [...]' D'une enfance quasi sauvage à l'océan livresque des connaissances humaines, pour aboutir au dernier refuge, l'indestructible monde minéral - tel est le parcours dont l'écrivain fait ici la confidence en nous livrant, au passage, son interprétation du monde.
Pierre Lampédouze, écrit en 1924, est le premier roman d'Henri Bosco. Du premier coup, il avait su créer un univers enchanté qui resterait le sien, pour toujours. Racine de l'oeuvre future, ce roman mène au lieu spirituel qu'est pour Bosco la Provence, 'ce pays si grave et si religieux, mais dont la gravité ressemble à la sagesse...'.
Bernard Noël a regardé travailler onze peintres contemporains : Jan Voss, Ulf Trötzig, Michel Steiner, Rustin, Bernard Ascal, Bernard Moninot, Jean-Paul Philippe, Serge Plagnol, Rancillac, Gérard Pascual, Bertrand Vivin, il leur a parlé pendant qu'ils travaillaient, a noté leurs gestes, leurs propos ; il a analysé son propre regard tant sur les oeuvres achevées que sur leur processus d'élaboration, il a étudié la formation de l'image, ce qui se passe entre la toile et le mental de celui qui regarde, au travail de l'artiste répond son propre travail d'écrivain.
Un livre de raison, tenu sur quatre saisons, comme il y a quatre humeurs et quatre âges. Choses vues, notations, réflexions et aphorismes : l'humeur noire domine, portée parfois à la fureur devant la dévastation d'une culture, la ruine de la langue, la vulgarité arrogante des médias, les signes irréfutables, glanés au jour le jour, d'un effondrement sournois du monde et de la venue d'un nouveau temps des barbares. Mais l'étonnement, l'émerveillement, la tendresse, l'enchantement percent plus d'une fois dans ce petit livre de pensées, quand il s'ouvre à l'intime et au chant.
'Justification, peut-être, de ce journal, cette réflexion de Julien Green : "Le secret, c'est d'écrire n'importe quoi, parce que lorsqu'on écrit n'importe quoi, on commence à dire les choses les plus importantes.'
Jean Clair.
Comment vivre? Connaître de vrais accomplissements, être libre, et heureux? Et si l'on n'y parvient pas, qui en est responsable? Le travail, la famille, la province avec ses lenteurs, sa régularité et cette façon d'être comme loin de tout? Pris dans les contrats et les contraintes d'une vie familiale réglée, Pierre croit avoir trouvé en Laure la figure d'un amour idéal propre à résoudre toutes ses insatisfactions. Et Laure, dans son extrême jeunesse, répond avec élan à la passion de Pierre : ils connaissent ensemble des après-midi secrètes, des moments charnels très forts et les joies équivoques de la clandestinité. Ont-ils, enfin, rencontré la «vraie vie»? Ou sont-ils condamnés à ne connaître toujours, en fin de compte, qu'un simulacre de vie, une vie fantôme?
Ces 22 essais traquent le même ennemi, cette castration mentale dont l'auteur dénonce les ravages à travers ses vecteurs de prédilection, l'image qui aveugle plus qu'elle ne montre (la télévision, mais pas seulement), le discours (politique), voire l'art quand il se dénature. Bernard Noël décrit le fonctionnement de ce monde où la représentation prend de plus en plus la place de la création, où la privation de sens devient la situation ordinaire et s'exerce sans même que nous nous en apercevions. Sa caractéristique est d'ailleurs d'être imperceptible, à la différence de toutes les contraintes inventées jusque là par le pouvoir. Cette «sensure» comme il l'appelle, serait l'arme absolue de la démocratie, permettant de tromper les consciences et de vider les têtes sans troubler la passivité des victimes, pouvoir dont la seule excuse, le seul alibi est la consommation, et qui se cache derrière la fatalité économique.
Intelligere et eligere sont proches dans la langue. Choix dans le fouillis du visible, la distinction est compréhension et beauté. Intelligence et élégance ont partie liée. Voir, comprendre, distinguer sont une même chose. Le vieux mot français de mire, pour dire le médecin, atteste encore l'affinité entre l'art de l'artiste, qui produit des choses 'admirables', et le savoir du savant, qui regarde et qui garde. La science et l'art prennent soin du monde.
Dans ce dialogue entre l'art et la science, la psychanalyse, prise entre le verbe et l'image, joue un rôle majeur. Elle n'est pas seulement contemporaine de Bcklin et de Klinger. Questionnant un corpus iconographique particulier pour valider sa démarche, de Moïse à Léonard de Vinci, se voulant à l'occasion, dans la Traumdeutung, une 'science' de l'image, elle est aussi l'héritière du Symbolisme, et peut-être sa prisonnière.
Rappelant les privilèges de ce que Goethe appelait Die Welt des Auges, cette suite d'essais se développe comme un plaidoyer pour une science romantique.
Cette Rose offre une possibilité de symbolique générale qui n'impose sa marque à rien mais qui est la marque de tout. Elle ouvre une infinité de canaux par quoi le réel passe, violemment. Tout le réel. La physique et la métaphysique, la pensée et l'action, l'art et la vie, l'espace et le temps, leurs télescopages. Car il s'agit, par l'invention, par la mise en jeu de l'extraordinaire bousculade des possibilités de la langue, de mettre en évidence le tissu poétique du monde. Dire toutes les choses expérimentées, en créer une nouvelle qui permet la simultanéité des plans du réel.
En 1993, Charles Juliet a passé quatre mois à Saorge - un village des Alpes-Maritimes proche de l'Italie - dans un monastère devenu lieu de résidence pour artistes. Ces carnets sont le journal qu'il a tenu pendant ce séjour. Qu'il parle de Saorge, des rencontres qu'il y fait, des paysages qu'il découvre, qu'il égrène des souvenirs d'enfance, nous livre des impressions de lecture, évoque Catherine de Sienne ou Chet Baker, qu'il commente l'actualité, nous confie son émotion à la vue d'un beau visage... il demeure fidèle aux thèmes et préoccupations qui nourrissent les quatre précédents volumes de son Journal. Ici comme là, c'est une même attention aux êtres et à la vie, un même souci de les dire avec des mots justes et simples.
Ovide, Les Métamorphoses (fragments)J.-B. Pontalis, L'insaisissable entre-deuxLuc Brisson, Bisexualité et médiation en Grcce ancienneMarie-Christine Pouchelle, L'hybrideFrançoise Cachin, Monsieur Vénus et l'ange de SodomeJean Gillibert, L'acteur, médian sexuelClaude Aron, Les facteurs neuro-hormonaux de la sexualité chez les mammifcresLéon Kreisler, L'enfant et l'adolescent de sexe ambigu ou L'envers du mytheRobert Stoller, Faits et hypothcses : un examen du concept freudien de bisexualitéPierre Fédida, D'une essentielle dissymétrie dans la psychanalyseWilhelm Fliess, Masculin et fémininDidier Anzieu, La bisexualité dans l'auto-analyse de FreudGeorg Groddeck, Le double sexe de l'etre humainRoger Lewinter, (Anti)judadsme et bisexualitéHerman Nunberg, Tentatives de rejet de la circoncisionChristian David, Les belles différencesAndré Green, Le genre neutreJoyce McDougall, L'idéal hermaphrodite et ses avatarsFelix Boehm, Le complexe de féminité chez l'hommeD.W. Winnicott, Clivage des éléments masculins et féminins chez l'homme et chez la femmeMasud Khan, Orgasme du moi et amour bisexuelJean-Marc Alby, L'identité sexuelle : pour quoi faire?Hélcne Cixous, Partie
Il existe je ne sais quel composé de ciel, de terre et d'eau, variable avec chacun, qui fait notre climat. En approchant de lui, le pas devient moins lourd, le cur s'épanouit. Il semble que la Nature silencieuse se mette tout d'un coup ´r chanter. Nous reconnaissons les choses. On parle du coup de foudre des amants, il est des paysages qui donnent des battements de cur, des angoisses délicieuses, de longues voluptés. Il est des amitiés avec les pierres des quais, le clapotis de l'eau, la tiédeur des labours, les nuages du couchant.
Pour moi, ces paysages furent ceux de la Méditerranée.
Entre la réalité et nos yeux, toujours du vocabulaire s'interpose : nous croyons voir mais ne faisons que lire. D'ailleurs le regard en lui-même n'est pas cet instrument d'information et de constat qu'il nous semble : il n'est pas qu'un aller et retour, c'est un espace, un espace sensible qui s'emplit du sentiment d'un toucher visuel. Le Journal du regard est donc un travail sur le regard, que l'auteur a commencé en 1970, la peinture y est souvent présente, la question toujours relancée est : que voit-on quand on voit? Qu'est-ce que le regard? Qu'est-ce que le visible?
'Au fond, on ne peut rien dire de la sensation, sinon qu'elle nous comble. Mais quel vide en nous remplit-elle ? Que peut-on dire du parfum d'une fleur, sinon qu'il nous enchante ? Il n'a pas été créé pour nous et nous en prenons pourtant notre part, d'autant plus fortement peut-etre que, contrairement ´r l'insecte, nous trouvons en lui un univers libéré de la nécessité. De quelle harmonie le corps est-il le temple qui, si nous étions un peu plus s"urs de nous et plus attentifs aux sensations qui nous traversent, pourrait nous faire pressentir la nature de ce que sont les dieux ?'
Ce livre, écrit dans la tradition de l'érudition libertine, recherche les traces d'un certain savoir fondé sur les sens. En une suite de digressions apparemment capricieuses, créant tout un réseau d'échos entre chaque thcme, il chemine, de la statue de marbre de Condillac aux cires de la Specola de Florence, du clavecin de Diderot ´r un sex-shop de la rue Saint-Denis, d'une gravure de Rembrandt ´r une peinture de Vermeer. C'est bien de rencontres qu'il s'agit, dessinées comme 'en passant' d'un trait lumineux. C'est aussi un roman d'apprentissage, ou l'auteur retrouve une identité et un nom.
Jean Starobinski, La vision de la dormeuseSarane Alexandrian, Le reve dans le surréalismeRoger Lewinter, Pans de mur jauneAlexander Grinstein, Un reve de Freud : les trois ParquesDidier Anzieu, Étude littérale d'un reve de FreudElla Sharpe, Mécanismes du reve et procédés poétiquesHoward Shevrin, Condensation et métaphoreSerge Viderman, Comme en un miroir, obscurément...André Green, De l'Esquisse ´r L'interprétation des reves : coupure et clôtureAndré Bourguignon, Fonctions du reveOtto Isakower, Contribution ´r la psychopathologie des phénomcnes associés ´r l'endormissementBertram D. Lewin, Le sommeil, la bouche et l'écran du revePierre Fédida, L'hypocondrie du reveRoger Dadoun, Les ombilics du reveJ.-B. Pontalis, La pénétration du reveGuy Rosolato, Désirer ou/ou reverMasud Khan, La capacité de reverJean-Claude Lavie, Parler ´r l'analyste
Un entre-deux d'ambiguïtés. Qu'en est-il du mouvement moderne dans ces années 1915-1929, années de reflux, de doute, d'incertitude, et dont l'ouverture de l'exposition des Arts décoratifs à Paris marque le point d'orgue ? En 1926 paraît l'opuscule de Jean Cocteau Le Rappel à l'ordre, dont l'intitulé indique, mieux que l'expression 'retour à l'ordre', l'inquiétude qui plane sur cette époque-là. La décennie suivante, de 1929 à 1939, voit la montée vers le second conflit mondial, l'avènement des régimes totalitaires en Italie, en Espagne, en Allemagne, mais aussi en Union soviétique. D'une apocalypse, l'autre : cette époque qui va des Années folles aux années de feu est aussi celle qui, de l'Octobre rouge à l'Octobre noir, vit l'affrontement de deux modèles économiques inconciliables mais aussi la fin des utopies. Ces années noires, vouées au travail du deuil, sous le voile d'une folie apparente, furent les années d'un enjeu terrifiant auquel aujourd'hui nous demeurons soumis.
Le «syndrome de Gramsci» serait la première manifestation d'un cancer de la langue dissimulé sous la dénomination anodine de «trou de mémoire». Mais un cancer implosif : «... une plaie dévorante, une plaie dans laquelle tout le langage peu à peu se précipite, une plaie blanche, qui absorbe toute la substance que d'ordinaire la langue transforme et réhabilite sans arrêt...» Ce que met en jeu ce roman, ce qu'il interroge sans répit, est au coeur même de la langue, au coeur même de la vie, à l'endroit précis mais toujours insaisissable, mouvant, où le corps, le langage, la pensée réalisent dans leur coïncidence la conscience de soi et du monde et où celle-ci, aussi bien, se défait.
Roger Grenier, VienneGérard Régnier, Les miroirs de TriesteEdmundo Gómez Mango, L'intime penséePhilippe Lejeune, Le journal de CécileMarcel Cohen, Désastres intimesMichel Gribinski, ClaudicationMarc Le Bot, L'autre mainFrançois Gantheret, Regarder, depuis l'horizonJean Clair, Le Sphinx de Delft et la déesse aux perlesFriedrich Huch, L'animal du reveFrançois Villa, Les étrangers du jour dans l'intimité de la nuitMichel de M'Uzan, Pendant la séanceChristian David, La quete de la délimitationPierre Fédida, La verticale de l'étrangerAmy Cohen - Francisco Varela, Le corps évocateur : une relecture de l'immunitéJacques André, L'inceste et la terreurNathalie Zaltzman, Tomber hors du mondeJean-Yves Tamet, TIl errait, et il ne comprenait pastGeorges-Arthur Goldschmidt, Traquer l'intimeJacqueline Chénieux-Gendron, Bavardage et merveilleAline Petitier, Le voyage du pauvreMichcle Hechter, Happy birthday to meJ.-B. Pontalis, Le compartiment de chemin de ferIn memoriam Masud Khan, 1924-1989 : Christopher Bollas, Portrait d'une personnalité psychanalytique peu ordinaireJ.-B. Pontalis, Masud, friendDidier Anzieu, Ce que je dois ´r Masud KhanJean-Yves Tamet, Le vif de la rencontreAdam Phillips, Retourner le reveVictor Smirnoff, By mail
Plutarque raconte que, des sept mille Athéniens faits prisonniers durant les guerres de Sicile, échappcrent aux travaux forcés dans les latomies, et donc ´r la mort, ceux qui surent réciter ´r leurs vainqueurs Grecs comme eux, quelques vers d'Euripide.
Les nazis n'appliqucrent pas ce trait de clémence antique aux déportés des camps. Citer Goethe ou Schiller ne fut ´r ces derniers d'aucun secours.
Pourtant la mémoire - la culture - joua un rôle majeur dans le destin des déportés. Savoir par cur un pocme met ´r l'abri du désastre. Ce que l'on garde en esprit, aucune Gestapo, aucune Guépéou, aucune C.I.A. ne peut vous le retirer.
En septembre 1944, le peintre Zoran Music est déporté ´r Dachau. Il y réalise, au risque de sa vie, une centaine de dessins décrivant ce qu'il voit : les sccnes de pendaison, les fours crématoires, les cadavres empilés par dizaines, c'est-´r-dire l'indescriptible.
Plus que la formule trop citée d'Adorno sur Auschwitz, la question que pose ce livre est la suivante : que pouvait alors la mémoire contre la mort, l'art contre l'indicible ? Non pas 'aprcs', mais dans le quotidien de la vie des camps ? Que peut-elle aujourd'hui dans une modernité qui, par son déni de la culture au nom de l'égalitarisme, et par sa tentation, au nom du progrcs biologique, de légaliser l'euthanasie et l'eugénisme, semble souscrire au nomos de la vie concentrationnaire meme ?