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P.O.L
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C'est sur un tempo lent, une flânerie sensible mais savante aussi. C'est un prélèvement musardier, aigu encore, comme un herbier d'émotions, d'inclinations et qui coupe l'histoire du saxophone ténor : presque d'un Freeman l'autre (de Bud à Chico) ; plus précisément : de Coleman Hawkins à David Murray ; un éventail de cinquante-trois portraits où le plus chaleureux et neuf du cuivre en Si bémol se trouve présent. Une déambulation (walkin' or strollin') sur cinquante ans où s'intriquent délicatesse et rugosité, styles et styles ajoutés comme des positions amoureuses multipliées, diverses, intransitives que l'écriture accoste, accompagne, courtise et ressaisit absolument. Le ténor, cette tendance secrète, cette pudeur caressante du ténor, vous l'entendez ici. La ballade, la lumière douce dans l'âge entier de l'instrument. Éclairages intimes ; tamisages de proses nettes qui savent si bien balancer, swinguer la mélodie dans le treillis des mots. Ici le ténor est lu au filtre de l'alentissement, l'instrument-roi s'écoute en camaïeu de son essentielle couleur. Blue Notes étirées, embrassées, chuchotées, vous les entendez, à cette propre respiration, tempos lents, pour ténors, pour le coeur du plaisir : car au meilleur faire le jazz comme l'amour appelle l'attention à la peau, sa respiration - la lenteur.
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Biographie, mais surtout analyse exhaustive de l'oeuvre de Gil Evans par le pianiste-arrangeur qui fut en 1987 - il lui proposa alors la direction de son propre orchestre, le «Big Band Lumière» - l'instigateur de sa dernière tournée européenne, Las Vegas Tango est le livre d'importance attendu sur ce pur écrivain du jazz. Gil Evans a, auprès de Claude Thornhill dans les années quarante, présidé à la naissance de l'arrangement moderne, comme en 1949 à celle du «cool» avec Miles Davis, dont il fut l'inspirateur (d'abord pour les mythiques séances Capitol), souvent le partenaire essentiel, toujours le mentor. C'est avec lui, parfait soliste de ses intentions, qu'il porta de 1957 à 1962 et par quatre albums (Miles Ahead, Porgy and Bess, Sketches of Spain, Quiet Nights) l'esthétique de la grande formation de jazz à son point de perfection. Autodidacte de génie, grand lyrique de la partition puis, à compter des années soixante-dix, initiateur-catalyseur d'un jazz de forme ouverte, Gil Evans était arrangeur. Arrangeur avant tout. C'est lui qui a véritablement éveillé à l'importance de la fonction pour ce que le jazz peut avoir de plus neuf - et de plus risqué. De l'orchestre de Stockton (formé en 1933) aux grandes intempérances électriques dont il s'est fait, pendant les cinq dernières années de sa vie, tous les lundis soirs l'ordonnateur au Sweet Basil, il a traversé un demi-siècle d'un mode d'expression, d'une attitude dans la musique qui l'a reconnu comme l'un de ses acteurs fondamentaux, l'un de ses principaux novateurs. Tous les jazzmen se souciant de forme, d'organisation des voix, d'affinement des interrelations instrumentales par l'écriture autant que d'inventivité, d'originalité dans l'improvisation sont infiniment redevables à ce maître discrètement déterminé, et rieur, mort le 20 mars 1988 à soixante-quinze ans, en pleine force musicale.